Au Festival d’automne, Boris Charmatz danse et chorégraphie un nouveau solo fulgurant intitulé Somnole dans lequel il explore avec force et douceur l’état inconscient de demi-sommeil propice au rêve autant qu’au lâcher-prise.
On entre dans une pièce du danseur, chorégraphe, et bientôt directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, comme dans un territoire inexploré, inconfortable, où les choses échappent parfois mais toujours captivent. Placer la danse sous le signe d’une recherche cérébrale et sensible perpétuellement renouvelée, susciter l’étonnement quitte à déconcerter, voilà la grande force de l’artiste à qui le festival d’automne consacrait la saison dernière un de ses traditionnels « portraits ».
Pièces après pièces, de larges dimensions ou de format plus minimal, s’exhale un goût affirmé pour le mouvement intuitif, impulsif, dans une sorte de bouillonnement créatif, d’effervescence favorisée, d’énergie débordante et dévorante. A l’occasion de récents travaux reposant fortement sur la choralité, Charmatz propulsait des danseurs dans des courses obsessionnelles et effrénées. Cette fois, il se présente seul en scène dans un dépouillement total.
Celui qui investit aussi bien les salles de spectacles que le pavé des places publiques, le bitume des usines désaffectées ou bien encore le tarmac d’un ancien aéroport à Berlin, présente sa dernière création, Somnole, à Paris, au cœur de la nef de l’église Saint-Eustache. Il apparaît de derrière un haut pilier, pieds, jambes et torse nus, juste un jupon ceinture sa taille, peu vêtu donc, revêtant l’aspect d’un faune irradiant dans le crépuscule. Le corps droit et les bras levés vers la voûte et le ciel, il profite de toute la majestueuse verticalité du lieu pour souligner un profond désir d’élévation. De cette nudité physique et spatial qui ne laisse aucune place à l’artifice nait une étrange beauté enveloppée des lumières pleinement oniriques entre rose et bleu d’Yves Godin.
La convocation de cette atmosphère nocturne serait-elle le signe d’une accalmie du geste hyperactif de Charmatz ? Certainement pas car la pièce, entre veille et sommeil, est empreinte d’une douceur, parfois d’une nonchalance, d’une délicatesse souveraines mais l’apparente tranquillité annoncée dès le titre se voit assez vite heurtée par des spasmes, des secousses violentes. Le rêveur solitaire demeure en état d’alerte, de manière sans doute moins offensive que dans d’autres opus, mais bel et bien traversé d’une agitation, d’un bouillonnement, parfaitement palpables.
Charmatz déploie et libère ses multiples possibilités physiques et mentales. La pièce, imaginée lors d’un confinement, cherche à conjurer l’état d’enfermement, d’engourdissement, d’essoufflement des capacités des corps et des esprits mis à l’épreuve de l’isolement et de l’arrêt contraint. Elle exprime aussi le besoin de l’autre, de l’ailleurs. Inventeur d’une danse somnambulique intense et intime au cours de laquelle il saute, rampe, court à grandes enjambées, tournoie à la manière d’un derviche, et tout cela avec une vigueur et une vélocité confondantes, Charmatz suit le parcours d’une errance maîtrisée qui traduit la richesse et le désordre de son monde intérieur.
A la physicalité et l’organicité de la proposition s’adjoint le sifflement qui s’apparente d’abords aux striduleux pépiements des oiseaux et qui devient mélodieuses mélodies. Charmatz auto-génère la bande-son de sa performance en puisant dans un vaste répertoire de musiques classiques (Bach, Haendel, Mozart, Grieg) et populaires (Richard Sanderson, Frank Sinatra, Yves Montand), autant de mélodies familières qui appartiennent à la mémoire sensible et collective. Avec grâce, Somnole embarque avec élan dans un inspirant et incertain rêve éveillé.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Somnole, solo de Boris Charmatz
Assistante chorégraphique : Magali Caillet Gajan
Lumières : Yves Godin
Ingénieur son : Alban Moraud
Costumes : Marion Regnier
Travail vocal : Dalila Khatir
Avec les conseils de : Médéric Collignon et Bertrand Causse
Régie générale : Fabrice Le Fur
Régie lumière : Germain Fourvel
Direction de production : Martina Hochmuth, Hélène Joly
Chargés de production : Florentine Busson, Briac GeffraultProduction et diffusion : [terrain]
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels
Dans le cadre de l’Atelier en résidence / Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette
Coproduction : Opéra de Lille, le phénix – scène nationale de Valenciennes – pôle européen de création, Bonlieu – scène nationale d’Annecy, International Arts Festival REGARDING…, Charleroi Danse – Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles (Belgique), Festival d’Automne à Paris, Festival de Marseille, Teatro Municipal do Porto, Scène nationale d’Orléans, MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny), Pavillon ADC (Genève) [en cours]Durée : 1h
Création 2021
Du 9 au 10 novembre – Opéra de Lille à Lille (France)Du 16 au 18 novembre – le phénix à Valenciennes (France)
Mardi 23 novembre – Maison de la Culture d’Amiens à Amiens (France)
Mardi 30 novembre – Espaces Pluriels à Pau (France)
Du 14 au 16 décembre – Eglise Saint-Eustache – Festival d’Automne à Paris à Paris (France)
Du 19 au 23 janvier 2022 – MC93 à Bobigny (France)
Mercredi 26 janvier 2022 – Scène nationale d’Orléans à Orléans (France)
Du 18 au 19 février 2022 – La Raffinerie – Charleroi Danse à Bruxelles (Belgium)
Du 25 au 27 février 2022 – Montpellier danse à Montpellier (France)
Du 2 au 4 mars 2022 – Bonlieu, scène nationale à Annecy (France)
Mardi 5 avril 2022 – Pavillon ADC à Genève (Switzerland)
Vendredi 10 juin 2022 – Festival Uzès danse à Uzès (France)
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