À travers les danses sculpturales de cinq interprètes, la chorégraphe et plasticienne espagnole Candela Capitán déploie une dystopie qui raconte le contrôle des corps et désirs féminins à l’ère numérique.
Cinq laptops gris sont disposés en flèche sur le sol blanc. Alors que le public s’installe, les performeuses traversent la scène de manière mécanique, juchées sur des cuissardes blanches, arborant un sweat à capuche rose extra large, le nez rivé sur leur smartphone. Encore discrète en France, la chorégraphe espagnole Candela Capitán a déjà séduit son public sur Instagram, où elle affiche images de poupées hypersexualisées en combinaison rose et machines étranges qui entravent le corps. Solas, à la frontière entre arts plastiques, performance et danse, déploie une dystopie synthétique et hypersexualisée qui se veut miroir de notre monde.
« L’utilisation de smartphones, l’enregistrement de photos et de vidéos est autorisé », annonce une voix avant le début de la pièce. Quelques lueurs de téléphone constellent la salle alors que la lumière baisse. Chaque danseuse se positionne, assise, devant un ordinateur. Leurs corps sveltes, bien moulés dans les académiques roses en spandex, exécutent des poses aussi suggestives que sportives, qui font virevolter leurs longues queues de cheval brunes. On peut suivre le show de ces camgirls robotiques en simultané sur un site de live show pornographique, accessible grâce à un QR code imprimé sur la feuille de salle.
Sur une musique techno, elles enchaînent les postures statiques : à quatre pattes, le postérieur devant la caméra ; debout, elles se déhanchent, descendent en pont, font un grand écart sur le côté, un talon dans la main, ou miment une masturbation. Cette succession de poses crée une chorégraphie mécanique. Malgré la démultiplication des scènes numériques et matérielle, le spectacle est plutôt simple et sans surprise. Les cinq salles virtuelles, qui sont autant de solos, n’apportent pas vraiment d’élément supplémentaire. Même si les images fascinent, on aurait envie que quelque chose cloche, explose. L’ensemble reste très lisse, même lorsque des beats de reggaeton tonnent dans la salle. Mais, c’est peut-être dans cette esthétique policée cauchemardesque que réside la critique de la chorégraphe ? Que nous disent ces corps hypersexualisés et standardisés ? Quelle image de la féminité contemporaine nous donnent ces êtres post-humains, qui ne semblent rien ressentir et existent seulement pour le regard masculin ? À l’ère de l’esthétique clean girl – cette tendance popularisée sur les réseaux sociaux qui prône une illusion du « naturel » où rien ne dépasse –, comment évolue le contrôle des corps et désirs féminins ? Candela Capitán nous entraîne dans un univers synthétique où corps, désirs et sexualités sont aseptisés. Un monde parallèle, où le sensible serait mort, qui apparait autant comme un constat des dérives contemporaines que comme une mise en garde.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
SOLAS
Chorégraphie et création scénique Candela Capitán
Avec Rocío Begines, Laia Camps, Mariona Moranta, Vera Palomino, Julia Romero
Direction des répétitions et assistance chorégraphique Virginia Martín
Création sonore Slim Soledad
Conception lumière Valentina Azzati
Costumes Candela Capitán, extraits de son solo Dispositivo de Saturación Sexual, initié en 2019
Assistance à la dramaturgie Joan Morey
Documentation photographique Daniel CaoEntités collaboratrices Teatros del Canal, Institut del Teatre de Barcelona, Goethe Institut et Fabra i Coats : Fàbrica de Creació de Barcelona
Durée : 1h
Vu en juillet 2025 à la Friche la Belle de Mai, dans le cadre du Festival de Marseille
DE SINGEL, Anvers (Belgique)
les 11 et 12 novembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !