« Slam ! » : cirque, catch et cartoon

Photo Jean-François Savaria

La piste est un ring et les habituels numéros de cirque, des combats de catch hilarants. Slam ! marie les atouts physiques des disciplines acrobatiques avec une théâtralité burlesque menée de main de maître. Sous la houlette de Robert Lepage, la compagnie Flip Fabrique nous entraîne dans un spectacle de fin d’année survolté, qui emprunte à l’esthétique pop et cartoon ses archétypes réjouissants.

Sous le chapiteau de La Villette, le spectacle de la période des fêtes se nomme Slam !, et le point d’exclamation a son importance dans ce show tout feu tout flamme. Pas de piste circulaire ici, le rapport scène-salle est frontal et l’ambiance bruyante et électrisée par des mirlitons – aussi appelés langues de belle-mère dans le monde des cotillons – distribués à la volée à un public ravi d’être mis à contribution. Et pour cause. Slam ! est une succession de combats de catch acrobatiques et burlesques. Au centre de la scénographie, trône un ring rougeoyant, et c’est de part et d’autre que les adversaires font leur entrée spectaculaire, dans des costumes de super-héros et héroïnes de comics américains revisités, sous les cris et les applaudissements d’une foule en délire. Pop, fun, kitsch et archétypale, l’esthétique BD assumée en met plein la vue et fonctionne du tonnerre, tandis que les changements de costumes, postiches et perruques offrent à chaque interprète plusieurs rôles croustillants à se mettre sous la dent. Du motard en perfecto noir au bodybuilder en peau de léopard en passant par une wonder woman en collants et une viking toute en muscles, ils sont huit au total, mais campent une galerie multiple de figures drolatiques, catcheurs hauts en couleur, agent d’entretien aussi virtuose que poétique, midinettes fans, journalistes sportifs, brancardiers, supporters sur ressorts…

Aux manettes de cette réjouissance galvanisante, la compagnie québécoise Flip Fabrique et Robert Lepage, metteur en scène compatriote qu’on ne présente plus, expert en spectacles fascinants mixant technologie et artisanat pour créer des visions métaphoriques inoubliables. L’homme de théâtre s’était déjà attelé à l’univers du cirque à deux reprises aux côtés de la célèbre troupe du Cirque du Soleil. Il réitère ici avec tout le savoir-faire dont il est capable, et sa patte irrigue les situations tantôt rocambolesques, tantôt intimes et suspendues, de ce spectacle flamboyant qui mixe à la perfection les atouts du théâtre avec les disciplines circassiennes pour en tirer le meilleur. En effet, la réussite ici, outre les multiples talents d’une troupe tout terrain, est de parvenir à fondre les agrès du cirque dans le décor, d’intégrer les numéros à la narration. Le récit est maigre, certes, mais ce n’est pas un problème. Le cadre du tournoi de catch offre un contexte épidermique, des montées d’adrénaline, une trame qui a son intrigue principale (ce qui se joue sur le ring) et ses marges (ce qui se joue autour).

Une contorsionniste qui finit littéralement pliée en deux dans une poubelle, un fildefériste qui évolue sur les cordes du ring, une haltérophile qui soulève les pneus de sa voiture ou la danse du balayeur démultiplié sur écran, des barbes à papa qui se transforment en massues de jonglage, chaque technique se frotte à une théâtralité bienvenue et orchestrée avec un sens du tempo et de l’image imparable, augmenté par les outils de la vidéo. La bande musicale qui accompagne la diversité des ambiances passe de la guitare électrique saturée à la batterie jazz en bifurquant vers des morceaux dancefloor en diable. C’est cartoonesque et délirant à souhait, les moments de lutte sont chorégraphiés au millimètre près, de sorte qu’aucun combat ne se ressemble. Le diabolo s’immisce dans la partie dans un numéro ambitieux qui porte la discipline à des sommets de virtuosité. Le public ne boude pas son plaisir devant ces joyeux drilles aussi doués pour le comique que pour les prouesses physiques, et l’énergie déployée achève de nous communiquer fraîcheur et bonne humeur.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Slam !
Concept original Ex Machina, Flip Fabrique
Mise en scène Robert Lepage
Direction de création Steve Blanchet
Direction artistique – cirque Bruno Gagnon
Assistance à la mise en scène Félix Dagenais
Avec Jérémie Arsenault, Caroline Bertorello, Pauline Bonanni, Todd Degnan, Maeva Desplat, Naomi Eddy, Mathieu Levasseur, Stéphane Pansa, Cédrik Pinault
Musique originale et co-conception sonore Bob et Bill
Co-conception sonore Stanislas Elie, Jérôme Boiteau (Studio Expression)
Co-conception du décor et des accessoires Ariane Sauvé
Conception des éclairages Renaud Pettigrew
Co-conception vidéo Nicolas Dostie
Animation des contenus visuels Irina Litvinenko
Conception des costumes Camila Comin
Chorégraphe acrobatique Olivier Normand
Conseiller – lutte Marko Estrada
Conseiller technique – cirque Christophe Hamel
Direction technique – création Émilie Bérubé
Direction technique et régie éclairages Michel Bisson
Régie générale Antoine Caron
Régie son Guilhem Sarkis-Dumas, Samuel Sérandour
Régie vidéo Zachary Noël-Ferland
Chef gréeur, chef machiniste Dominic Clément
Régie costumes et accessoires Magalie Bonanni
Chargé de projet vidéo et R&D Samuel Sérandour
Construction du décor Scène Éthique
Collaboration à la réalisation du décor et des accessoires Geneviève Bournival, Noémie Richard, Chloé Blanchet, Coralie Dansereau
Réalisation des costumes Camila Comin et Par apparat confection créative

Production Flip Fabrique ; Ex Machina / Robert Lepage
Coproduction La Villette, Paris ; Le Diamant, Québec ; La Tohu, Cité des arts du cirque, Montréal ; Centre des Arts Juliette-Lassonde de Saint-Hyacinthe, Québec ; Centre culturel de l’Université de Sherbrooke ; Maison de la Culture de Gatineau ; Meany Center for the Performing Arts, Seattle ; Cal Performances (UC-Berkeley) ; University of Pennsylvania – Penn Live Arts ; The Pennsylvania State University ; Maison des arts Desjardins Drummondville ; Spect’art Rimouski, Québec ; Salle de spectacles de Baie-Comeau, Québec ; National Performing Arts Center, Taichung, Taïwan En partenariat avec le Ministère de la Culture et des Communications du Québec

Ex Machina et Flip Fabrique sont subventionnés par le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Ville de Québec.

Durée : 1h20
À partir de 7 ans

La Villette, Espace Chapiteaux
du 11 au 31 décembre 2025