Autoportrait plein de doutes et de nuances, Je ne suis plus inquiet écrit et interprété par Scali Delpeyrat, donne à voir un personnage touchant et attachant dans un seul en scène délicat et drôle, mais un brin monotone.
Au départ, il y a un texte pour la scène. Puis la collection Au Singulier d’Actes-Sud qui conduit Scali Delpeyrat à lui donner une patine plus littéraire. Et enfin, juste retour des choses, son auteur qui porte ce Je ne suis plus inquiet dans le cadre intimiste du Studio de l’Espace Cardin dans le cadre de la programmation du Théâtre de la Ville.
Je ne suis pas inquiet est une jungle de courts récits, conduits par bribes, suspendus, inachevés puis rattrapés, que le comédien quinquagénaire déroule un peu comme s’il sautait de liane en liane, passant d’un fil à l’autre, retournant au précédent, en dénichant un nouveau, sur un rythme rapide qui ne se veut pas haletant pour autant. Car Scali Delpeyrat n’a rien de bien extraordinaire à nous raconter et l’assume parfaitement. C’est sa vie – on imagine – qu’il nous rapporte ici, dans ce qu’elle a d’insignifiant et de dense à la fois. Autoportrait en approches obliques que délivre le récit de soi, Je ne suis plus inquiet donne ainsi à voir un homme facétieux et angoissé à la fois, solitaire quelque peu phobique des relations sociales et travaillé par une relation au père où les sentiments se sont entortillés tout du long de sa vie.
Quand un homme avance ainsi, c’est certainement le temps de suspension entre deux lianes qui reste le plus spectaculaire. A chaque interruption entre deux récits, Scali Delpeyrat jette ainsi le spectateur en l’air, le laisse en suspens dans le vide parce qu’à la différence d’un ordinaire cliffhanger, il ne voit pas très bien où l’auteur comédien veut le mener. Le sens se dérobe sous ses pieds. Entre une télécommande encadrée, la fuite de ses grands-parents vers la zone libre ou la maladie de son père, quelques fils narratifs porteurs de suspens se créent bien, mais qu’il sifflote dans une salle d’attente, scrute la ligne mélodique des annonces de stations dans le métro ou se répète des phrases en boucle produit des narration dont la valeur métaphorique se dessine très progressivement et tout en délicatesse.
Ce serait peut-être le maître mot, d’ailleurs, pour qualifier ce spectacle, la délicatesse. Par son art de la suggestion, ses émotions esquissées, son humour raffiné sans jamais être pédant, et une certaine poésie du quotidien, Scali Delpeyrat mène en effet un récit qui avance par touches et ne se laisse jamais cerner. Tout en finesse, jamais vraiment là où on l’attend – tout en esquives sans pour autant sacraliser le contre-pied – le comédien laisse filtrer les angoisses, les nœuds familiaux sans en faire une affaire. Loin de la dramatisation à laquelle recourt naturellement l’art dramatique, il dessine le portrait de cet originaire du Sud-Ouest, comme il le dit dans une chanson très drôle (« Je suis un enfant d’Israël/ Et pourtant j’ai l’accent de Francis Cabrel »). C’est peut-être d’ailleurs de ces moments plus simples, plus décalés, plus tranchés dont manque le spectacle. Car même si teinté d’absurde surréaliste avec ce frigo d’où il sort une assiette, du sel et du poivre, une veste longue et des clés, Je ne suis plus inquiet tient tout du long une note très personnelle qui risque parfois de paraître un peu monotone.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
JE NE SUIS PLUS INQUIET de et avec SCALI DELPEYRAT, collaboration artistique et dramaturgie Adèle Chaniolleau.
Le texte de la pièce est édité chez Actes Sud, collection AU Singulier.
Durée : 1h15
Espace Cardin du Théâtre de la Ville
Du 09 novembre au 04 décembre 2021
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