Avant Hollywood, il y avait Sarah Bernhardt. Disparue il y a 100 ans, la légendaire comédienne française, pour qui Jean Cocteau a inventé l’expression « monstre sacré », est à l’origine de ce qui est devenu le star-system. Une exposition lui rendra hommage à partir du 14 avril 2023 au Petit Palais à Paris.
Surnommée la « Voix d’or » par Victor Hugo, Sarah Bernhardt, décédée le 26 mars 1923, a porté le théâtre français aux quatre coins du monde, créé des tendances mode et des produits dérivés, défrayé la chronique, devenant un véritable mythe vivant. A l’occasion du centenaire de son décès, un programme de commémorations baptisé « Sarah dans tous ses états » débute mercredi.
« Elle est la première star planétaire », assure Pierre-André Hélène, historien et premier collectionneur privé en France de ses effets personnels. « Si on veut arriver à sa cheville, il faut aujourd’hui ajouter Madonna, Lady Gaga, Rihanna, Beyoncé, Michael Jackson réunis. Et c’était sans aucun média, ni internet », dit ce consultant pour l’émission « Secrets d’Histoire », qui publie en mai un livre sur la comédienne.
Visage de la France à l’étranger depuis sa première tournée américaine (1880), elle est souvent accueillie par la Marseillaise là où elle va. A New York, les hommes jettent leur manteau par terre afin qu’il soit piétiné par l’actrice, qui passe trois heures à dédicacer leurs manchettes de chemise. Toujours en Amérique, un cow-boy fait plus de 400 km pour la voir sur scène à Dallas. En Australie, « il y a eu des scènes d’hystérie de dizaines de milliers de femmes qui voulaient la voir, la toucher », rapporte Pierre-André Hélène.
Pourquoi un tel engouement ? Il y avait tout d’abord son talent de tragédienne. « Il y a cinq sortes de comédiennes: les mauvaises, les passables, les bonnes, les grandes, et puis il y a Sarah Bernhardt », disait l’écrivain Mark Twain. « C’était le mythe mondial du théâtre », explique Pierre-André Hélène. « Que le public ne comprenne pas ce qu’elle disait à Londres ou aux États-Unis n’avait aucune importance… Elle avait une présence délirante et cette technique vocale, une mélopée très proche du lyrique ».
Il y avait aussi ses fameuses scènes de mort. « Les gens venaient pour la voir mourir », souligne l’historien. « Ses yeux se révulsaient jusqu’à ce qu’on ne voie que le blanc. Les gens étaient scotchés… Certains étaient convaincus qu’elle se sentait mal ». Dans son entourage, cette femme autoritaire avait coutume de dire « si vous ne faites pas ce que je veux, j’arrête de mourir ».
A Paris, où elle été la star de la Comédie-Française avant de claquer la porte, on disait qu’on venait voir deux choses: la tour Eiffel et Sarah Bernhardt. Mais elle doit surtout sa célébrité à une machine d’autopromotion inédite. « Son impresario Edward Jarrett, qui lui a organisé des voyages pharaoniques, avait un sens grandiose de la communication et avait compris que ses comportements insensés allaient la porter au sommet », selon l’historien. Elle se fait photographier dans un cercueil, a une véritable ménagerie et d’innombrables amants, pose sans cesse pour la caméra… « Elle va créer son propre mythe », commente M. Hélène.
Sarah Bernhardt comprend très vite son pouvoir dans ce qu’on appelle alors la réclame. « C’est la première femme à décliner son image en produits dérivés, de la poudre de riz à l’absinthe ». Côté mode, on venait au théâtre autant pour applaudir son talent que pour admirer ses fabuleuses tenues, dont on allait s’inspirer, notamment ses robes serpentines avec des ceintures assez larges pour soutenir une hernie qu’elle avait et qui influencèrent la silhouette féminine de la fin du XIXe siècle.
Edith de Belleville, guide-conférencière à Paris, rappelle que Sarah Bernhardt a également « contribué au mythe de la Parisienne », en pleine Belle Epoque. Sa singularité a fait sa renommée: « elle était maigre à l’époque des formes rondes, rousse -la « couleur du diable »-, mère célibataire », précise la guide. « Mais ce dont elle était la plus fière, c’est d’avoir porté la culture française au sommet du monde. Elle mérite le Panthéon ! », estime Pierre-André Hélène.
Rana Moussaoui © Agence France-Presse
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