Après Des Territoires, une ambitieuse trilogie remarquée au festival d’Avignon en 2021, Baptiste Amann met en scène une pièce chorale dans la salle des fêtes d’un petit village. Portée par un sujet intéressant, sa création souffre d’une composition approximative de ses personnages, et peine susciter l’empathie.
C’est un huis clos à l’allure tristoune : une salle des fêtes, dans un village perdu à la campagne, au cœur d’une région qui ne sera jamais nommée. On s’y retrouve, pour discuter de la vie communale, autour du maire ; on s’y retrouve pour faire la fête, devant une sono et avec quelques bières, histoire de tuer le temps. La pièce débute quand Marion, une romancière en panne d’inspiration, et sa compagne Suzanne, une tatoueuse en quête de changement, s’y rendent pour première fois. Les deux femmes ont tout plaqué pour se réinventer loin du tumulte parisien, comme tant d’autres. Elles ont racheté une ancienne usine au bord d’une rivière, qu’elles souhaitent retaper. Sur le papier, le projet était exaltant. Mais la confrontation, dans la salle des fêtes, avec les autres habitants du village, leur donne un aperçu des problèmes à venir. Elles se retrouvent, de fait, propriétaires de trois écluses en mauvais état, dont elles sont plus ou moins responsables. Après une crue particulièrement violente, les champs de l’agriculteur voisin ont été inondés. L’affaire est un véritable gouffre financier. Sans compter les enjeux écologiques auxquels elles doivent faire face. Pour ne rien arranger, le frère de Marion, qui vient d’emménager avec elles, montre de nouveaux signes d’instabilité psychologique. Autour d’elles, une petite dizaine de personnages se dévoilent au fil des rencontres. Il y a, entre autres, l’agriculteur esseulé et sous l’eau (dans tous les sens du terme), le jeune maire inexpérimenté (mais plein de bonne volonté), un père et sa fille qui tente de se remettre du décès de sa femme… Chacun compose avec les aléas de la vie, tant bien que mal.
En 2021, au festival d’Avignon, le jeune Baptiste Amann (né en 1986) avait mis en scène une trilogie Des Territoires, fresque chorale de neuf heures, consacrée à l’idée de révolution au XXIe siècle. Avec Salle des fêtes, qui serait inspirée par une histoire vraie, l’artiste poursuit sa composition de fresques et les récits choraux. Habile, parfois, dans ses mises en scène de groupe, sa plume n’est pas à la hauteur de son ambition. Les personnages sont simplement esquissés, et n’existent au plateau qu’au travers d’une seule caractéristique (voire un sujet de société) : l’agriculteur suicidaire, la romancière angoissée par la page blanche, le maire déboussolé par ses fonctions… C’est à la fois trop, et pas assez. La plupart d’entre eux ne sont pas nécessaires au récit qu’il tente de déployer. Seul le personnage du frère instable (magnifiquement incarné par Samuel Réhault) tire son épingle du jeu. L’idée de départ se prête pourtant à merveille au récit feuilletonnant (que Baptiste Amann rythme avec les changements de saisons). Mais, sans personnage aucun, on reste au seuil de l’histoire, en manque d’empathie, en manque de romanesque, et en manque de pertinence sociologique.
Igor Hansen-Løve – sceneweb.fr
Salle des fêtes
Texte et mise en scène Baptiste Amann
Collaboratrice artistique Amélie EnonAvec
Olivier Brunhes,
Alexandra Castellon,
Julien Geffroy,
Suzanne Jeanjean,
Lisa Kramarz,
Caroline Menon-Bertheux,
Rémi Mesnard,
Yohann Pisiou,
Samuel Réhault,
Marion VerstraetenCréation lumière Florent Jacob
Création sonore Léon Blomme
Scénographie Baptiste Amann, Florent Jacob
Costumes Suzanne Aubert, Estelle Couturier-Chatellain
Régie générale François Duguest
Plateau et régie scène Philippe Couturier
Administration de production, diffusion Morgan HélouProduction L’ANNEXE
Coproduction Comédie de Béthune CDN des Hauts-de-France ; Comédie de Saint-Étienne ; Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine ; Le MÉTA – CDN de Poitiers, Nouvelle-Aquitaine ; OARA Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine ; Théâtre Dijon Bourgogne – CDN ; Nouveau théâtre de Montreuil – CDN ; Le ZEF-scène nationale de Marseille ; CNDC – Théâtre Ouvert
Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques ; DRAC et Région SudDurée 2h30
les 18 et 19 octobre
Au Méta, CDN de Poitiersdu 11 au 13 janvier
Comédie de Béthunedu 17 au 29 janvier
Théâtre ouvertdu 2 au 11 février
Théâtre Public de Montreuil, CDNdu 23 au 24 mars
ZEF, scène nationale de Marseilledu 4 au 7 avril
Comédie de Saint-Étiennedu 25 au 29 avril
Comédie de Saint-Étienne en décentralisation (dans la cadre de la comédie itinérante)le 5 mai
L’Odyssée, scène conventionnée de Périgueux
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