C’est l’un des événements de cette rentrée, Robert Wilson met en scène une troupe de comédiens noirs francophones dans Les Nègres de Jean Genet. Un spectacle comme toujours très coloré mais la magie opère un peu moins que d’habitude. Heureusement on découvre sur scène de sacrés talents.
La pièce débute pas un prologue. Des nègres désarmés sont pourchassés par des coups de feu. Ils prennent la pause de longues minutes avant de se réfugier dans une maison africaine en torchis. Robert Wilson aime distendre le temps au théâtre. Cette scène illustre toutes les souffrances de l’Afrique et des africains. Elle est cependant un poil longue. C’est dommage car elle ne nous a pas permis d’entrer avec bonheur dans le spectacle.
Heureusement on est vite consolé avec le premier tableau qui permet de retrouver ce que l’on aime chez Robert Wilson: la beauté des images acidulées. Archibald le meneur de jeu (Charles Wattara) prend en charge la troupe de comédiens noirs venus jouer devant un public blanc l’histoire du viol d’une femme blanche par un noir. Au centre un cercueil est orné par une orchidée blanche. Les spectateurs regardent la représentation sur une estrade dans une ambiance jazzy débridée. Mais les phrases radicales écrites au couteau par Jean Genet ne sonnent pas toujours comme il faut avec le langage visuel inventé par Robert Wilson. Le texte est noyé. On sait que dans sa méthode de travail, Robert Wilson oublie volontairement le texte pour fabriquer ses images, il y revient ensuite. Mais ici on passe souvent à côté de l’action de la pièce qui devient malheureusement secondaire. Et pour tout dire c’est même un peu brouillon.
Alors il y a les images, magnifiques et magiques, c’est indéniable. Les couleurs des costumes se fondent allégrement dans le ciel étoilé de la toile en fond de scène. Les traits lumineux qui délimitent les espaces scéniques et les accessoires donnent un sentiment de légèreté au plateau qui se transforme en installation dadaïste.
Robert Wilson a constitué pour ce spectacle un sacrée troupe de comédiens noirs francophones qui viennent de plusieurs pays. Ils jouent souvent en ligne de manière très frontale comme dans une tragédie grecque sans jamais se toucher. Leurs corps se déplacent avec allégresse sur scène, la gestuelle de leurs doigts est d’une précision inouïe. Ces comédiens sont tous simplement éblouissants. « Il y a un avant et un après Bob Wilson » nous a confié Nicole Dogué qui interprète Félicité. Dans ce casting lumineux, deux jeunes comédiens explosent. Kayije Kagame qui joue Vertu. Une jeune femme tout en longueur, d’une douceur exquise, qui sort de l’ENSTATT. Et Gaël Kamilindi qui incarne Village, l’assassin. Ce jeune comédien déjà remarqué chez Marc Paquien dans la Locandiera illumine le spectacle. Ce premier grand rôle vient couronner un parcours peu commun. Né au Congo Kinshasa, d’un père israélien et d’une mère rwandaise, Gaël est orphelin à six ans. Il part vivre en Suisse chez sa tante, c’était peu de temps avant le génocide. Il se forme au métier de comédien à Genève avant d’entrer au Conservatoire à Paris en 2008. Sa carrière est désormais lancée !
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les Nègres de Jean Genet
Mise en scène, scénographie et lumière, Robert Wilson
Dramaturgie, Ellen Hammer
Collaboration artistique, Charles Chemin
Collaboration à la scénographie, Stephanie Engeln
Costumes, Moidele Bickel
Collaboration à la lumière, Xavier Baron
Musique originale, Dickie Landry
Avec Armelle Abibou, Astrid Bayiha, Daphné Biiga Nwanak, Bass Dhem, Lamine Diarra, Nicole Dogué, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Kayije Kagame, Gaël Kamilindi, Babacar M’Baye Fall, Logan Corea Richardson, Xavier Thiam,
Charles Wattara
Production Odéon-Théâtre de l’Europe // Coproduction Théâtre National Populaire – Villeurbanne ; deSingel campus des arts international – Anvers ; Festival Automne en Normandie ; Comédie de Clermont-Ferrand ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Odéon-Théâtre de l’Europe ; Festival d’Automne à
Paris
En partenariat avec France Inter
Théâtre De l’Odéon
Vendredi 3 octobre au vendredi 21 novembre 2014
mardi au samedi 20h, dimanche 15hLes 3 et 4 décembre à 20h30
Scène Nationale Evreux Louviers au Cadran, Evreux
les 14 et 15 décembre à la Comédie de Clermont-Ferrand
Du 9 au 16 janvier 2015
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !