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Richard Brunel remonte le Pacifique

À la une, Coup de coeur, Dijon, Festival d'Avignon, Ivry, Les critiques, Théâtre, Valence

photo Jean-Louis Fernandez

En adaptant Certaines n’avaient jamais vu la mer de la romancière américaine d’origine japonaise Julie Otsuka, Richard Brunel exhume avec force un drame oublié de l’histoire américaine. Celui des Japonaises venues aux États-Unis au début du XXème siècle.

Pour elles comme pour beaucoup d’autres, l’Amérique était une Terre Promise. Un pays d’hommes et de femmes certes « couverts de poils », qui « ne se nourrissaient que de viande » et se mouchaient « dans des morceaux de tissus crasseux que l’on repliait ensuite pour les ranger dans une poche, afin de les utiliser encore et encore », mais qui leur réserverait, le meilleur accueil. Un pays où les attendait l’amour. La douceur de vivre. Rêves de femmes qui, pour certaines, n’avaient jamais vu la mer avant de quitter leur Japon natal pour retrouver les inconnus qu’elles devaient épouser. Des compatriotes partis dès 1869 dans le but de faire fortune sur le sol américain. Et qui en repartiraient sans rien après l’attaque de Pearl Harbour, en 1942. Touché par l’écriture de l’américano-japonaise Julie Otsuka, Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence où a été créé le spectacle avant de rejoindre le Festival d’Avignon, fait de cet épisode historique méconnu une pièce chorale d’une grande sensibilité.

Comme le roman éponyme, la pièce Certaines n’avaient jamais vu la mer s’ouvre sur la traversée de l’océan Pacifique. La singularité de la prose de Julie Otsuka frappe d’emblée. Sur un devant de plateau nu, les sept comédiennes – Mélanie Bourgeois, Yuika Hokama, Linh-Dan Pham, Chloé Rejon, Alysée Soudet, Kyoko Takenaka, et Haïni Wang – évoquent le voyage à la troisième personne du pluriel tout en enfilant des kimonos. En sortant des photos d’hommes dans d’« élégants costumes trois pièces à l’occidentale ». De « beaux jeunes gens aux yeux sombres, à la chevelure touffue, à la peau lisse et sans défaut ». Le réalisme de la scène, déjà, contraste avec l’expression collective, aussi grave et digne que celle d’un chœur antique, de la tragédie en germe.

Pour redonner corps et parole à ces exilées d’un autre temps et d’une autre culture, Richard Brunel opte donc pour une esthétique toute en subtils contrastes. À l’image de la parole du roman, où cohabitent en un seul souffle des expériences diverses. Des degrés variables de malheur. Donnant vie à leurs personnages sans jamais abandonner le pluriel, les artistes sont bientôt rejointes par les quatre hommes de la distribution – Simon Alopé, Youjin Choi, Mike Nguyen, et Ely Penh. Ensemble, ils ramassent des tas de caoutchouc noir, les déplacent, et l’on imagine le dur labeur des champs auxquels sont forcées les nouvelles Américaines. Le mépris quotidien et les violences dont elles sont victimes. La désillusion.

À la fois concrète et onirique, la mise en scène de Richard Brunel est pleine de jolie trouvailles de ce genre. Très différente de celle de Julie Otsuka, qui met en mots dans son livre le parcours ses ancêtres, la distance de l’artiste français face au pan d’Histoire raconté trouve au plateau une expression très juste. La belle scénographie d’Anouk Dell’Aria participe aussi à rendre vivantes les huit courtes parties qui composent le roman. Après l’épisode très chorégraphique du caoutchouc, des machines à coudre, puis un salon bourgeois sur praticable marquent par exemple l’avancée chronologique du récit, qui couvre l’ensemble de la présence des Japonaises en Amérique. Jusqu’à leur déportation dans des camps, d’autant plus présente qu’elle n’est jamais évoquée. Pas même lorsque Nathalie Dessay vient dire le vide laissé par le départ des Japonais.

Tout autour de la scène, des tissus blancs avalent les cris des femmes et permettent des transitions fluides. Presque fantomatiques. La douleur, dans Certaines n’avaient jamais vu la mer, ne s’attarde jamais. Démultiplié par des projections vidéo très sobres réalisées par Jérémie Scheidler, de facture quasi-documentaire, le chœur de la pièce est nimbé d’un étrange qui évacue tout pathos et accompagne avec élégance la poésie du texte. L’exil d’hier et d’ailleurs rejoint ainsi les déplacements d’aujourd’hui. Avec force.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Certaines n’avaient jamais vu la mer
Texte Julie Otsuka
Traduction française Carine Chichereau
Adaptation et mise en scène Richard Brunel
Avec Simon Alopé, Mélanie Bourgeois, Youjin Choi, Yuika Hokama, Mike Nguyen, Ely Penh, Linh-Dan Pham, Chloé Rejon, Alyzée Soudet, Kyoko Takenaka, Haïni Wang et Natalie Dessay

Dramaturgie Catherine Ailloud- Nicolas
Scénographie Anouk Dell’Aiera
Costumes Benjamin Moreau
Son Antoine Richard
Lumière Laurent Castaingt
Vidéo Jérémie Scheidler
Assistante à la mise en scène Pauline Ringeade

Adapté du roman The Buddha in the Attic − The Marsh Agency Ltd, incorporating Paterson Marsh Ltd and Campbell Thomson & McLaughlin Ltd – Copyright © Julie Otsuka, 2011

Production La Comédie de Valence, CDN Drôme-Ardèche
Coproduction Festival d’Avignon ; Théâtre des Quartiers d’Ivry, CDN du Val-de-Marne
Durée: 2h

28 > 30 mai 2018 – 8e édition du festival Ambivalence(s)
19 au 24 juillet 2018 – Festival d’Avignon – Cloître des Carmes sauf le 22 à 22h
Du 14 au 25 janvier 2019 au Théâtre des Quartiers d’Ivry
Du 30 janvier au 2 février à la Comédie de Valence
Du 13 au 15 mars au Théâtre Dijon Bourgogne

21 juillet 2018/par Anaïs Heluin
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