Comment un homme se construit son identité sociale et son identité sexuelle ? C’est le sujet de ce Voyage à Reims, une brillante adaptation de l’essai de Didier Eribon par Laurent Hatat. La pièce créée en 2014 dans le Off avec Antoine Mathieu revient cette année, c’est Laurent Hatat qui reprend le rôle.
Laurent Hatat est passé maître dans l’adaptation de textes non destinés au théâtre. On lui doit HHhH de Laurent Binet, Nanine de Voltaire et voici Retour à Reims d’après le récit autobiographie et sociologique de Didier Eribon. Après la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve son milieu d’origine, le milieu qui l’a vu naître et avec lequel il a coupé les ponts. Pendant trente ans, il ne donne pas de nouvelles. La mort du père est l’occasion de livrer ses vérités à sa mère.
Sur scène le rôle de Didier Eribon est interprété par Antoine Mathieu et celui de la mère par Sylvie Debrun. Vêtue d’une robe bleue à pois blancs, et d’un petit chandail gris, elle renoue avec ce fils qui lui semble étranger. Il est devenu parisien, intellectuel, homosexuel. Le fils lui explique les raisons du rejet de sa famille. Il avoue son égoïsme. Les blessures secrètes ressortent. Il raconte les humiliations dont il a été victime et la violence d’un père autoritaire.
Le texte de Didier Eribon devient sur scène une pièce âpre et sensible. Laurent Hatat ne charge pas la force émotionnelle d’un texte qui n’en n’a pas besoin. Sa mise en scène est belle car elle est simple. Un plateau nu, une table quelques chaises, deux petites malles en fer. Il joue sur la profondeur des rôles, il utilise le champ-contrechamp. Les personnages se rapprochent puis s’éloignent. On choisit de regarder au premier plan ou à l’arrière plan, de s’intéresser à l’un ou l’autre.
La pièce met en lumière ce monde ouvrier qui a basculé du communisme au vote Front National. Un vote qui est « le dernier recours pour défendre leur idée collective » comme l’explique simplement Didier Eribon. Ce fils met sa mère face à l’évidence et face à son racisme. C’est une grande pièce sur l’identité sociale et sur l’identité sexuelle.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Retour à Reims
D’après l’essai de Didier Eribon publié aux Éditions Fayard
Adaptation et mise en scène Laurent Hatat
Avec Sylvie Debrun et Antoine Mathieu
collaboration dramaturgique Laurent Caillon
Création lumière et régie générale Anna Sauvage
Production
Véronique Felenbok / Clémentine Marin
Avec le soutien du Ministère de la Culture – Drac Nord Pas‐de‐Calais
et de la Région Nord Pas‐de‐Calais, de la Maison des Métallos‐Paris
Durée : 1h10
Avignon Off 2017
Théâtre des Lucioles, Avignon (10 rue Rempart Saint-Lazare)
du 7 au 30 juillet à 12H (relâches les 18 et 25)
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