
Stéphanie Aflalo et Antoine Thiollier photo Roan Kané
La comédienne espiègle Stéphanie Aflalo et son complice Antoine Thiollier grimés en médiateurs, détournent les discours sur l’art avec facétie. L’amour de l’art est farce aussi absurde que cocasse, avec laquelle on rit des conventions de la médiation culturelle et d’une culture élitiste.
Faut-il être cultivé pour apprécier une œuvre d’art ? En 1966, Pierre Bourdieu et Alain Darbel démontrent dans L’Amour de l’art que le « bon goût » n’a rien d’inné, mais appartient à une élite détentrice d’un capital culturel. Stéphanie Aflalo et son acolyte Antoine Thiollier semblent prendre comme point de départ cet ouvrage, pour incarner deux médiateurs de musées. Ce duo comique nous embarque dans une farce absurde et cocasse, où les discours sur l’histoire de l’art en prennent un coup.
Les deux comédiens traversent le hall du Lam, elle en tailleur rouge un peu suranné, lui en costume décontracté. Des looks qui tranchent avec les tenues estivales du groupe rassemblés pour la représentation. Idéalement joué dans un musée, histoire de coller au thème, L’Amour de l’art s’ouvre dans une salle de théâtre, sur scène deux pupitres, un écran blanc, une barrière au velours rouge. Avant de commencer cette conférence, quelques avertissements : si l’on s’attendait à voir un spectacle virtuose, il faudra se contenter de peu, car la performeuse souffre d’une “double rétroversion des coudes”. Si ces propos sont incompréhensibles, c’est, bien sûr, lié au à une “rétroversion de la langue”. Dans cette démonstration absurde, toutes les parties du corps y passent, jusqu’aux rétroversion de l’affection ou de la réalité. Les deux performeur·euse·s se tiennent solennels et nous regardent, un poil narquois.
Fort de cette introduction interminable, chacun·e s’installe derrière un pupitre, de part et d’autre d’un écran blanc. Alors que des tableaux incontournables défilent sur l’écran : Judith et Holopherne du Caravage, La Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt, Vanité de Philippe de Champaigne, les deux faux médiateur·rice·s formulent des analyses aussi vides, plates, sans intérêt et approximatives, décalage désopilant. Les contre-sens se succèdent, décelant des diatribes politiques absurdes au sein de l’œuvre, à la fois “de gauche” par un tissu rouge, mais tout autant de droite car il dénonce la fraude à la caf, ou encore des interprétations féministes fumeuses. Si aller au musée peut être excluant, en mettant à mal les discours sachants sur l’art, Stéphanie Aflalo et Antoine Thiollier nous invitent à railler les normes élitistes avec eux. Dans cette parodie qui tourne en dérision le rôle du médiateur culturel, le duo comique fait jaillir un rire libérateur. Une farce où les soi-disant experts sont les dindons. En concluant sur une description orienté vers la salle, où le public est analysé comme un tableau, c’est bien les spectateur·rice qu’ils remettent au centre de la réception des oeuvres, manière de contrer un discours savant, qui occulte la subjectivité du·de la regardeur·euse.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
L’Amour de l’art
Projet conçu par Stéphanie Aflalo
Écriture et jeu Stéphanie Aflalo et Antoine Thiollier
Vidéo Pablo Albandea
Production Fanny Paulhan Diffusion Lisa Antoine / Latitudes Prod.Coproduction Studio-Théâtre de Vitry
Vu au Festival Latitudes contemporaines
Le 24 juin 2023du 28 au 30 septembre 2023
Rennes – Festival Vivant.es – Théâtre de l’Aire Libredu 10 au 20 janvier 2024
Théâtre de la Bastille à Parisdu 24 au 27 janvier 2024
Paris – Festival Singulier·es – le 10410 février 2024
Louvre-Lens
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