Rachida Brakni incarne Eva dans Sonate d’Automne d’après le film de Bergman adapté au théâtre par Marie Deshaire dans une mise en scène de Marie-Louise Bishofberger au Théâtre de l’Oeuvre. Face à Françoise Fabian, Rachida Brakni incarne Eva. La comédienne parle avec élégance de son rôle et porte une analyse minutieuse sur l’œuvre de Bergman.
Cela doit être épuisant de jouer ce rôle avec autant de violence dans les mots ?
On en ressort un peu exsangue car un texte pareil ne laisse pas indemne. On est poreux, on se laisse traverser par tout cela. Quand je sors, je suis épuisée.
C’est un texte qui part doucement et qui se termine dans une violence inouïe
C’est ce qui est beau dans cette pièce. Au début ces deux femmes qui ne se sont pas vues depuis sept ans se jaugent et il y a beaucoup d’appréhension de part et d’autre et tout d’un coup tout se cristallise et cela va être un catalyseur avec une haine épouvantable qui va surgir et se déverser pendant toute une nuit.
Elle est horrible cette mère…
Ah oui. Je ne vais pas chercher à la défendre. Malgré tout il n’y a rien de dogmatique dans le texte de Bergman. A un moment ou un autre on s’identifie à la mère qui a des aspirations professionnelle et qui ne souhaite pas uniquement être une mère. Et puis on s’identifie à cette fille qui a souffert d’un manque qu’elle n’a jamais réussi à combler. J’ai la sensation d’osciller entre les deux personnages. Ce n’est pas évident de pouvoir naviguer entre des sentiments contrastés. Ces deux femmes ne peuvent se retrouver à aucun moment.
On a l’impression par moment que les deux personnages s’auto psychanalysent.
Tout à fait. La parole le permet. Il y a quelque chose de salvateur dans la parole. Chez Eva tout est tellement sous contrôle, elle essaye de faire de son mieux pour pouvoir être irréprochable quand elle accueille sa mère. Et puis tout refait surface, la parole se délivre. Et en effet il y a quelque chose de l’ordre de la psychanalyse dans le fait de formuler les choses et de pouvoir y mettre des mots. C’est un déclencheur d’être confronté à sa mère et de pouvoir enfin se libérer.
Connaissiez-vous bien l’univers de Bergman ?
C’est un de mes réalisateurs préférés. Il a écrit admirablement bien pour les femmes. Quand on lit son autobiographie on voit à quel point il a été proche des femmes. Il a été élevé par sa grand-mère et sa mère. Et il arrive à rendre la complexité féminine avec ses travers et ses différences. C’est assez troublant qu’homme sache aussi bien parler des femmes.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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