Pendant plus de deux ans, le conteur, auteur et comédien Nicolas Bonneau est allé à la rencontre de femmes politiques françaises. Travail de fond dont rend très peu compte Qui va garder les enfants ?, succession de portraits qui peinent à s’élever au-delà des clichés.
Avec sa compagnie La Volige fondée en 2006, Nicolas Bonneau s’est affirmé sur la scène de plus en plus vaste et multiple du nouveau conte, aux côtés d’artistes de théâtre comme Yannick Jaulin ou Sébastien Barrier. Dès sa première création, Sortie d’usine, il met au point un dispositif qu’il met au service de sujets qui, selon ses termes, « résonnent dans la sphère politique, sociale ou humaine » : une fois le thème choisi, il s’implante si besoin dans un lieu où il enquête, avant de construire un récit à partir des divers matériaux collectés. En l’occurrence, dans Qui va garder les enfants ?, des témoignages de femmes politiques de tous bords, élues locales, nationales ou internationales, recueillis pendant plus de deux ans. Afin, dit-il, de « restituer leur parcours familial et politique, convergences, difficultés et différences de ces femmes au combat ». Sans hélas échapper aux lieux communs.
L’introduction de Qui va garder les enfants ?, déjà, sonne faux. En portant le discours type du misogyne qui s’ignore, Nicolas Bonneau révèle d’emblée le problème de positionnement que lui a posé son sujet. Mais malgré lui, car s’il y fait parfois allusion dans son spectacle, cette difficulté est tout juste effleurée. Comme si l’humour, la dérision, suffisaient à régler le problème de la domination masculine. « En m’accaparant et en interprétant ainsi la parole des femmes, je m’interroge : ne suis-je pas là encore dans une sorte de colonisation ? », s’interrogeait-il pourtant dans son dossier de création. Question que ni son récit-cadre ni les portraits de femmes politiques qu’il y insère ne parviennent à traduire au plateau. Sans parler des quelques chansons qu’il interprète avec la maladresse du crooner ringard.
Sans doute Nicolas Bonneau aurait-il gagné à confier plus de place à certains de ses collaborateurs. Davantage poussé dans le processus de travail, le décentrement au cœur de Qui va garder les enfants ? aurait peut-être gagné de la force. Du trouble. Comme dans Les Malédictions (2006), où la chanteuse pop Fannytastic et la marionnettiste Hélène Barreau interprétaient son texte sur la sorcellerie contemporaine, écrit lui aussi à partir d’un travail de collecte. Mais ouvertement fictionnel, alors qu’en plus d’assumer les fonctions principales de sa nouvelle création, il y raconte ce qui l’a poussé à s’intéresser aux femmes politiques : un amour de jeunesse, quitté par jalousie et désir de domination. Trop au centre de son spectacle, Nicolas Bonneau échoue à accueillir l’Autre en lui-même. À la mise en scène, Gaëlle Hérault ne l’y aide pas.
Lorsqu’il incarne Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme de 1981 à 1986, l’ancienne ministre, députée et candidate PS à la présidentielle Ségolène Royal ou encore la maire de Saint-Junien-des-Combes dans le Limousin, le fondateur de La Volige le fait sans s’imposer le silence. Et sans non plus oser un véritable travestissement. Ce qui aurait pu donner une certaine densité, amener le subversif dont manque ce solo. D’autant plus que sa teneur documentaire est trop pauvre pour se suffire à elle-même. Parmi les nombreuses personnes rencontrées en plus de deux ans de recherche, seules quatre ou cinq sont en effet convoquées dans Qui va garder les enfants ?. Et cela à travers des récits trop courts, trop superficiels pour dire davantage que ce que l’on sait déjà : la difficulté pour une femme de se faire une place dans la vie politique, plus encore que dans le reste de la société. Le riche matériau collecté par Nicolas Bonneau laissait espérer davantage.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Qui va garder les enfants ?
Un spectacle de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux
Interprété par Nicolas Bonneau
Mise en scène : Gaëlle Héraut
Création musicale : Fannytastic
Scénographie : Gaëlle Bouilly, assistée de Cellule B
Costumes : Cécile Pelletier
Création lumière : Rodrigue Bernard
Création son : Gildas Gaboriau
Régie : Cynthia Lhopitallier, Xavier Jeannot
Stagiaire à la mise en scène : Chloé Jauset
Production et tournée : Noémie Sage
Accueil professionnel et invitations : Alice Pourcher
Administration : Olivier Allemand et Charlène Dubois
Communication : Zoé Jarry
Production : La Volige, Cie Nicolas Bonneau
Coproductions et soutiens : Théâtre de Belleville, Le Gallia Théâtre de Saintes, La Coupe d’or – Scène conventionnée de Rochefort, Théâtre de Cornouaille – Scène nationale de Quimper, Le Théâtre des Sources de Fontenay-aux-Roses, La Maison du Conte et Théâtre de Chevilly-La-Rue, L’Aire Libre de Saint-Jacques de La Lande, La Mégisserie de Saint-Junien, Les 3T de Chatellerault et OARA Nouvelle-Aquitaine.
La Volige est conventionnée par la DRAC Nouvelle Aquitaine, la Région Nouvelle Aquitaine, le Département des Deux-Sèvres et la communauté de communes du Haut Val de Sèvre.
Qui veut garder les enfants ? est édité aux Éditions Lansman
Durée : 1h15
Off 2019
11 Gigamesh
5 – 26 JUILLET À 17H05
Relâches les 10 et 17
Salle 3
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