Comédienne de tempérament, Chloé Oliveres se lance dans son premier seul en scène, et ne démérite pas dans le genre. Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze est un régal d’humour et de sincérité doublé d’une portée féministe revigorante.
Il en fallait du cran pour se mettre au seul en scène en pleine crise de la quarantaine ! Chloé Oliveres l’a fait et bien lui en a pris : ce premier solo générationnel est une bouffée d’air dans la canicule avignonnaise. On n’en attendait pas moins de cette comédienne aguerrie que l’on a pu voir à l’œuvre sur les planches dans le cadre du réjouissant collectif Les Filles de Simone ou dans les spectacles puissants de Lorraine de Sagazan. Elle est de celles qui tapent dans l’œil, dont on remarque la singularité et la souplesse de jeu, l’étendue de la palette et le tempérament scénique.
Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze : le titre annonce le sujet, l’ambiance, la couleur. Confettis et paillettes de rigueur pour aborder les émois du cœur de l’enfance à l’âge adulte. Il est question ici de projections fantasmées, d’amours de midinette, de rêves de princesse, de découverte érotique, de déceptions sentimentales, de ruptures salvatrices, d’un chemin escarpé jalonné d’illusions et de désillusions, de prises de conscience en somme. Le tout est troussé dans une écriture enlevée, rythmée, bien sentie, nourrie de théâtre et de cinéma.
Le déroulé du spectacle suit la chronologie d’un récit de vie à travers le prisme amoureux, qu’il soit imaginaire ou réellement vécu. Et c’est là qu’il déploie toute sa subtilité. Si l’on s’amuse de la petite Chloé jouant aux Barbies dans sa baignoire, si l’on sourit de sa passion pour la musculature de Patrick Swayze, si l’on rit, souvent, à ces scènes qui sont comme des vignettes dévoilant les dessous de sa cartographie sentimentale, le fil rouge du spectacle se dévoile au fur et à mesure et ce qui advient, c’est le lien intime et étroit entre la fiction amoureuse qui nous construit, (fiction culturelle, sociétale…) et la réalité de nos amours. Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze aborde nos fantasmes et projections, la mécanique de nos désirs, nos élans et brimades, le rôle du regard des autres dans notre construction identitaire. Le cultissime Dirty Dancing y a une place de choix bien sûr (Patrick Swayze oblige). Le récit du film donne lieu à une scène d’anthologie tandis que sa relecture féministe très futée nous enchante.
Chloé Oliveres est époustouflante de présence et de bagout, jamais on ne l’a vue aussi déployée, libre en tout. Elle s’empare du plateau avec vigueur et aplomb et l’on prend un plaisir fou à la voir naviguer dans tous ses visages, sauter, danser, chanter, et surtout passer de la légèreté à la profondeur en un claquement de doigt. On sort de là ragaillardi, avec l’envie assumée de revoir Dirty Dancing (encore une fois !) à l’aune du décryptage émancipateur qu’elle en fait.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze
Écriture et interprétation Chloé Oliveres
Mise en scène Papy
Scénographie Émilie Roy
Lumières Arnaud Le Dû
Costume Sarah Dupont
Chorégraphe Laëtitia Pré
Voix off Richard DarboisProduction Little Bros
Durée : 1 heure
La Scala – Paris
Du 3 octobre au 27 décembre 2023
Le mardi et mercredi à 19h30
Relâche le 21 et 22 novembre, et le mercredi 13 décembre
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