Il en adore les « tubes » : le cinéaste Cédric Klapisch signe pour la première fois la mise en scène d’un opéra, La Flûte enchantée au Théâtre des Champs-Elysées, une œuvre « moderne » qu’il revisite avec son humour et un imaginaire poétique.
« On m’a proposé de faire cet opéra et je n’ai pas pu dire non », affirme le réalisateur et scénariste dans les coulisses du Théâtre des Champs-Elysées à Paris, où démarre la première représentation mardi, avant des dates à Compiègne et Tourcoing en décembre. De cette dernière œuvre composée par Mozart en 1791, il « adore la musique » et les tubes, comme l’air de la Reine de la nuit. « J’étais tenté de faire un pas de côté », « de sortir de ma zone de confort» , confie-t-il.
Forêt d’arbres bleus et de lianes rouges qui scintillent parfois, puis ville utopique à l’architecture contemporaine : sur le plateau, les décors sont épurés, les couleurs franches, la lumière et des images numériques projetées invitent au rêve.
Une esthétique minimaliste proche d’un conte pour enfant, qui s’accompagne de costumes en soie et en satin signés du couturier Stéphane Rolland : par exemple, la somptueuse robe dorée (14 mètres de traîne !) de la Reine de la nuit (la soprano Aleksandra Olczyk) ou la coiffe tout en plumes, vert et bleu fluorescent de l’oiseleur Papageno (le baryton Florent Karrer).
« Ce qui est moderne, chez Mozart, c’est que c’est éternel », estime Cédric Klapisch. « Chaque époque peut résonner, c’est ça qui fait que cette œuvre est magistrale et est jouée toujours aujourd’hui ».
Si les parties chantées sont en allemand, le cinéaste a apporté sa touche d’humour en traduisant les passages parlés en français… de 2023. Une façon d’être plus proche du public. « Il est amoureux ?« , demande ainsi Pamina à Papageno au sujet de Tamino. « De ouf !« , répond ce dernier. Et parmi d’autres réponses, on pourra entendre : « T’as kiffé ?« , « Tamino, tu me fais la gueule ?« , ou encore « cette injonction est tellement genrée, j’hallucine ! »
Autre richesse de cet opéra, pour son metteur en scène : l’opposition entre les personnages. « La Reine de la nuit est celle qui est proche de la nature, à un côté un peu sorcière ou proche de la sauvagerie », tandis que Sarastro « a un pouvoir tout puissant, à la connaissance des choses, la sagesse », dit- il. « Le monde des femmes est associé à la nature, le monde des hommes à l’éducation, à la civilisation. C’est très intéressant de confronter ça avec les valeurs d’aujourd’hui ». D’autant, fait-il remarquer, que « la Reine de la nuit est finalement celle qu’on aime le plus dans cet opéra ». « Le sage(n)’est pas nécessairement celui qu’on aime le plus…»
Une phrase résonne également : « Sarastro a un discours disant « aujourd’hui, on est confronté au chaos et au retour de la barbarie ». Forcément, cette phrase est tragiquement actuelle », souligne Cédric Klapisch.
Comment a procédé le metteur en scène en herbe ? « C’est très différent du cinéma évidemment », remarque-t-il. A l’opéra, « il n’y pas de montage », « pas la post-production » d’un film. Il a donc « fallu apprendre comment diriger » les chanteurs, poursuit-il, jugeant avoir fait un travail « très chorégraphique » et s’apparentant plus à la mise en scène d’une comédie musicale.
Selon lui, « on est dans une époque où on est beaucoup sur l’instant, (…) avec tous les réseaux sociaux ». « On a besoin d’aider les jeunes à être curieux du passé » et de « l’histoire culturelle ». « C’est vrai pour le cinéma, et c’est vrai pour l’opéra ». Si « je peux aider à avoir cet éclairage sur un art que les gens connaissent mal, tant mieux ».
Karine Perret © Agence France-Presse
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