A l’Opéra Bastille, une nouvelle production du mal-aimé Benvenuto Cellini de Berlioz, mise en scène par Terry Gilliam, prend des dimensions spectaculaires et carnavalesques et provoque le délire d’une salle conquise.
Si l’œuvre fut un échec à sa création en 1838, sa réhabilitation passe pour plutôt tiède malgré l’engagement enthousiaste de certain chefs d’orchestre tels que Colin Davis, John Nelson ou Valery Gergiev à lui redonner ses lettres de noblesses. Cela s’explique sans doute par l’outrancière exubérance, la démesure et l’excentricité de son livret et de sa composition. Ce sont pourtant les qualités qui font aujourd’hui triompher la production du cinéaste anglais popularisé par les Monty Python dont il fut un des piliers. Créé en 2014 à l’English National Opera de Londres, le spectacle a déjà conquit Amsterdam, Barcelone avant Paris.
Si certains chefs-d’œuvre du répertoire renaissent sous les lectures analytiques, idéologiques même, de metteurs en scène et dramaturges qui en révèlent les sens cachés, ce n’est pas le cas de Benvenuto Cellini tel qu’il est présenté à la Bastille, c’est-à-dire comme un beau et immense divertissement. A 78 ans, le facétieux Terry Gilliam s’est amusé comme un jeune homme et même un éternel enfant à développer un imaginaire foisonnant mais jamais saturant. Conduit par un amour invétéré de l’art et de l’artifice, il flirte avec le théâtre lyrique d’un autre âge, en assume l’opulence totale, avec d’énormes décors en trompe-l’œil, des costumes bariolés, des scènes de foule grouillantes de figurants… Il y instille néanmoins un humour et une malice irrésistibles et multiplie les références au théâtre de tréteaux et de foire comme à l’art circassien. Il ne faut oublier que l’intrigue se joue autour d’un Mardi-gras en l’an 1532, jour forcément propice au jeux de masques et d’illusions. Gaguesque, gigantesque, le travail n’en comporte pas moins une joyeuse et audacieuse portée transgressive. D’abord parce que la bonne humeur n’envahit pas si souvent les plateaux lyriques, ensuite parce que la comédie prend des tonalités antibourgeoises et cléricales absolument bienvenues.
Un tel spectacle, précisément millimétré, ménage peu les chanteurs déjà soumis aux exigences d’une partition hors normes. John Osborn est techniquement on ne peut plus solide. Il se montre grandiose et même émouvant dans le rôle-titre aux accents Hoffmanniens, mêlant l’idéalisme et le prosaïsme du personnage dans un style parfait et toujours très musical. Ravissante Teresa, Pretty Yende offre une voix souple et légère qui même bien projetée paraît un peu trop réservée, tandis que l’exquise Michèle Losier campe un plus ample et grisant Ascanio. Le baryton Audun Iversen dans Fieramosca et le Pape de la basse Marco spotti sont très sonores et audibles. Ce n’est plus le cas de Maurizio Muraro en Balducci aux moyens vocaux bien pauvres et poussifs. L’électricité scénique ne semble pas toujours suffisamment contaminer la fosse où Philippe Jordan, toujours soucieux du détail et de l’équilibre, dirige avec finesse et allégresse des choeurs excellents et un orchestre brillant mais pas galvanisant. Benvenuto Cellini de Berlioz demeure à la fête. Sous les canons de confettis, les étourdissantes parades de bateleurs, jongleurs, danseurs, acrobates sont une folie !
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Benvenuto Cellini
Opéra en deux actes et quatre tableaux
Musique
Hector Berlioz
Livret
Léon de Wailly
Auguste BarbierEn langue française
Direction musicale
Philippe Jordan
Mise en scène
Terry Gilliam
Co-mise en scène
Leah Hausman
Chorégraphie
Leah HausmanBenvenuto Cellini
John Osborn
Giacomo Balducci
Maurizio Muraro
Fieramosca
Audun Iversen
Le Pape Clément VII
Marco Spotti
Francesco
Vincent Delhoume
Bernardino
Luc Bertin-Hugault
Pompeo
Rodolphe Briand
Cabaretier
Se-Jin Hwang
Teresa
Pretty Yende
Ascanio
Michèle Losier
Décors
Terry Gilliam
Aaron Marsden
Costumes
Katrina Lindsay
Lumières
Paule Constable
Vidéo
Finn Ross
Chef des Choeurs
José Luis BassoOrchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Durée: 3h30 avec entracte
Opéra Bastille – du 17 mars au 14 avril 2018
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !