Nouvel avis de tempête au sein d’un CDN, après la grève du premier semestre au CDN de Béthune, un préavis de gréve a été déposé par la CGT-Synptac au Théâtre de La Commune, CDN d’Aubervilliers pour le 20 septembre 2018, jour de l’ouverture de la saison et de la reprise de Dom Juan par sa directrice Marie-José Malis, qui est par ailleurs Présidente du SYNDEAC, le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles.
Dans leur communiqué, les salarié.e.s du Théâtre de La Commune, centre dramatique national d’Aubervilliers expliquent que « en 4 ans et à budget constant, 12 ruptures conventionnelles, 4 suppressions de postes, des restructurations dans chaque service, et des changements arbitraires d’attributions, ont lourdement désorganisé (leur) structure. » Ils mettent en avant « l’impossibilité de parler simplement du travail, le discrédit et la mise de côté d’une partie du personnel, ainsi que la désagrégation du dialogue social » au sein du CDN. Les salarié.e.s se disent « épuisé.e.s moralement ». Ils ont donc déposé un préavis de grève reconductible à partir du 20 septembre 2018, de 0 heure à 24 heures.
Ils demandent: l’arrêt immédiat de pratiques de gestion du personnel nocives, le respect de l’institution représentative du personnel, l’ouverture d’un audit social RH et, dans l’attente des conclusions, le maintien dans l’emploi, et dans leurs attributions, des salarié.e.s en poste et le gel de toute nouvelle création ou suppression de poste, et des restructurations en cours.
Les salarié.e.s, se disent « tou.te.s rassemblé.e.s autour d’une volonté tenace : travailler le plus efficacement possible à remplir les missions que ce lieu emblématique de la région parisienne s’est vu confier. La tâche est exaltante, le personnel impliqué, et l’organisation parfaitement « fonctionnelle » au moment de la prise de poste de Marie-José Malis en janvier 2014, comme elle l’explique elle-même dans un entretien avec Arnaud Laporte publié dans le trimestriel THEATRE(S), Été 2017 ».
D’autres délégués du personnel ont régi au dépôt de préavis dans un mail interne. Ils s’estiment « très choqués (…) en tant que délégués du personnel, élus à la majorité en juin dernier, de ne pas avoir été dans les destinataires de ce courrier« . Une Assemblée Générale est prévue au théâtre le mercredi 12 septembre à 14h pour tous les salarié.e.s, permanents et intermittents pour que chacun puisse se prononcer sur le préavis.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr avec communiqué
Ce « nous », prétendant parler au nom de tous et revendiquer l’adhésion des salariés à un mouvement tourné contre la direction du théâtre de La Commune au nom d’un « fonctionnement inopérant et pathogène », est indécent.
Je soutiens, comme toute une partie de l’équipe, je soutiens pleinement le projet artistique et sais être gré à l’artiste qui le dirige et lui insuffle son esprit et son énergie – très haute – soit.
Il est indécent de discréditer ainsi un projet ambitieux et généreux, inventif et exigeant, soit. Cette direction a demandé à « parler simplement du travail ». Encore faut-il accepter que dans un théâtre, le travail s’organise pour le théâtre, pour son art et les inventions qu’il requiert et non selon de prétendues habitudes. La désagrégation du dialogue social n’est assurément pas le fait de la direction.
Je commence à me sentir très en colère que certains s’accaparent leur attachement à ce théâtre, à ces murs, quand je suis attachée au projet artistique de ce lieu, rare et précieux, et que j’ai honte qu’il soit ainsi défiguré, au moyen d’une réthorique syndicale pervertie, qui déshonore le syndicalisme et la question – belle – du travail !
Emilie Heriteau
Chère Emilie,
Un projet artistique répond à un appel à projet lancé par les autorités de tutelle, sur la base d’un cahier des charges défini par le ministère.
Conceptualisé en dehors de la structure, sans participation des salarié.e.s, sa mise en place demande un travail de réinterprétation, de refondation.
À La Commune, l’interrogation n’a jamais été que du côté des salarié.e.s, et de leurs pratiques : de leurs « habitudes » comme tu le dis.
Cette dévalorisation de leur travail, qui affleure dans ton texte, beaucoup en ont souffert, et peu sont encore là pour le dire.
Est-ce seulement parce que la direction souhaitait « parler simplement du travail « , pour reprendre cette pudique litote, que nous avons vu des collègues être de plus en plus malmené.e.s, leur travail sans arrêt remis en cause, voire disqualifié de manière de plus en plus violente?
Nous en avons vu.e.s certain.e.s partir, à bout de force, quand d’autres s’accrochent, malgré la détresse qui les gagne. Tandis que celles et ceux qui les défendent et dénoncent ces situations ne récoltent qu’insultes et brimades.
Est-ce d’évoquer cette souffrance que tu juges « indécent »?
Nous entendons que ce n’est pas ton cas, ni celui d’une partie du théâtre, tant mieux… mais l’expression de ton contentement, doit-elle faire oublier la souffrance des autres ? Et quelle est cette logique, selon laquelle pour pouvoir en parler il faudrait être « majoritaire » ?
Quant à « discréditer » le projet artistique, cela n’est nullement notre propos.
Concernant la « rhétorique syndicale pervertie » aies la délicatesse de laisser nos camarades syndicalistes de tous bords et de tous horizons (CGT, SUD, CNT…), qui nous ont fait l’amitié de nous rejoindre sur cette page, juger si notre action les « déshonore » ou non..
Bonsoir,
Je ne travaille pas avec vous, mais j’ai lu le courrier du préavis envoyé à la directrice. Il y a dedans des éléments qui méritent une réponse à la hauteur de ce qui est pointé.
Quelle est « la question du travail » qui serait déshonorée selon vous ? Je comprends pas la formule.
Votre réponse à l’article occulte les éléments soulevés par une représentante du personnel, et l’expérience me laisse penser qu’au fond, ce qui vous dérange n’a rien à voir avec le théâtre.
Cordialement
Ce théâtre existait avant l’arrivée de cette nouvelle direction, oui ? Que depuis cette arrivée tant de personnes (en rapport avec la taille de l’entreprise, ce n’est pas Renault non plus), soient parties, ou que tant se sentent en danger pose problème non ? Cela devrait obliger la nouvelle direction à se poser la question de son « management », l’art n’est pas tout, ne peut être l’excuse de tout, même dans un théâtre, ou sinon le patronat le plus rude aurait raison de maltraiter au nom du rendement son personnel. Les gens vivent, existent, que ceux qui sont « heureux » parce que le système leur convient, n’oublient pas ceux qui souffrent par la faute de ce système. Ou sinon cela ne sert à rien de se sentir artiste, pour vivre avec un cœur de financier.
Il est très étrange de voir les mots de « management » et d’ « entreprise » employés pour parler d’un théâtre et de son projet artistique. Et il est, dans cette même veine, encore plus déroutant de voir le travail exigé pour réaliser un projet clairement affiché comme émancipateur et qui a démontré combien il l’était, mis en équivalence avec la recherche du profit des patrons d’entreprises industrielles ou commerciales; et de voir les salariés ne rien vouloir savoir ce qui distingue ces situations.
Il est par ailleurs certain que devoir s’investir dans un projet artistique exigeant quand son objectif vous reste indifférent est certainement une cause de souffrance.
La question est donc la suivante : le salarié d’un théâtre peut-il rester à l’écart de l’aventure qui s’y déroule ? Doit-il revendiquer le calme et les habitudes qui suffisent à faire « tourner » l’institution?
Peut-il envisager sereinement de poursuivre une aventure dans laquelle il ne souhaite pas s’engager mais de laquelle il attend un salaire?
Il est évident que, si le salarié ne fait pas de différence entre les patrons à la recherche de profits et une équipe engagée dans un projet artistique émancipateur, la réponse à ces questions sera : vos objectifs ne nous concernent pas et les efforts accentués qui sont exigés sont inadmissibles et seront combattus.
Si on partage le projet, il faudra discuter « simplement » du travail mais en aucun cas nuire à son développement pour assurer la qualité des conditions de ce travail.
Cependant, comme le font à juste titre ceux qui luttent contre des patrons avides de profit, on aura raison de s’opposer à un projet dont l’objectif dérange.
Le projet mis en œuvre par le théâtre de la Commune, et qui se veut un projet de justice, d’egalité et d’émancipation, contrevient-Il au projet de vie des salariés en grève? Ou certains veulent-ils tout bonnement y mettre fin?
L’art et les lois, l’art et la morale, est-ce qu’au nom d’une sainteté artistique qu’il faudrait déjà prouver, d’un absolu revendiqué, les règles qui régissent les rapports humains, devraient disparaître ? Les autres avant, ce Didier Bezace par exemple, n’étaient donc pas artistes ? Puisqu’ils accompagnaient leurs projets d’un rapport humain ? Est-ce que le projet artistique ne peut pas à la fois atteindre des sommets, et le rapport humain rester humain ? On trouvera dans toutes aventures collectives ceux pour qui en art, en sport, en industrie, l’omelette s’accompagne de casse collective, et ceux pour qui il n’y a pas de but si profond, qu’il ne puisse s’accompagner du respect de tous, sinon de chacun. Est-ce si compliqué à comprendre ?