Amiens se lance dans la course pour devenir capitale européenne de la culture en 2028, face à Montpellier, Rouen, Bastia, Bourges, Reims, Clermont-Ferrand, Nice et Saint-Denis. Après Paris en 1989, Avignon en 2000, Lille en 2004, et Marseille en 2013, la capitale picarde compte bien décrocher ce titre.
Laurent Dréano, directeur de la Maison de la Culture d’Amiens, ancien coordinateur général de Lille 2004 Capitale Européenne de la Culture et Pascal Neveux, directeur du FRAC Picardie Hauts-de-France, ancien directeur du FRAC PACA et membre du comité de pilotage de Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, exposent dans cette tribune les raisons qui plaident en faveur du dossier picard.
Alors que la candidature d’Amiens – Vallée de Somme 2028, ALTER-NATIVE va être auditionnée prochainement, nous affirmons notre conviction que c’est à la fois une occasion unique pour ce territoire mais aussi l’une des candidatures françaises qui a le plus de sens.
1/ Parce qu’Amiens et la vallée de Somme ont des atouts culturels considérables mais relativement méconnus dans leur diversité. La candidature 2028 donne sa pertinence à ce projet collectif de territoire pour en faire un moteur de développement, partagé avec le plus grand nombre.
Aujourd’hui, au cœur de la région Hauts-de-France qui a fait de la culture un enjeu prioritaire (tout comme la coopération européenne), les conditions sont réunies pour que l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les compagnons de la candidature, s’emparent de cet outil pour en relever les défis. Qu’ils soient artistes, équipements culturels, associations, services publics, région, départements, municipalités et intercommunalités, monde scolaire et universitaire, entreprises, commerçants, aménageurs, élèves, étudiants, chercheurs, médiateurs, chasseurs ou ornithologues en baie de Somme… et sans mésestimer les difficultés, structurelles ou du moment, tous savent que leur engagement permettra qu’il y ait un « avant » et un « après ».
La candidature est aussi celle d’un dialogue renouvelé entre l’homme et son environnement, entre un paysage naturel, rural ou maritime, et un patrimoine urbain contrasté, qui génèrent des pratiques culturelles, touristiques et de loisirs, et des usages multiples et trop souvent cloisonnés. Si les enjeux climatiques et de biodiversité y sont majeurs, ils n’en sont pas moins culturels et sociaux ; ces constats donnent du corps au projet.
2/ Parce qu’ALTER-NATIVE est un programme volontaire dont le nom même est une promesse puisqu’il entend «dépasser les déterminismes qui entravent ce territoire et empêchent ses habitants».
Au-delà d’un regard rétrospectif de campagnes et de villes meurtries par les deux conflits qui les ont dévastées au 20e siècle, les difficultés économiques et sociales du contexte actuel, mais aussi l’isolement, ont renforcé le sentiment pour ces habitants d’être délaissés. Plusieurs marqueurs sont mis en avant pour attester de ce repli sur soi, de cette perte de confiance et de cette difficulté à la surmonter. Il y a pourtant en Picardie une heureuse et légitime fierté à refuser ces assignations répétées. Mais quelle place à l’imaginaire dans un territoire autant marqué par sa dimension mémorielle, où le passé surgit partout, sites et patrimoines historiques, friches industrielles, première
et deuxième reconstruction, monumentalisation du paysage ?
Alors que la politique culturelle est née en France au lendemain de deux guerres mondiales, en même temps que la construction européenne et avec les objectifs convergents d’un « plus jamais ça », alors que la guerre est à nouveau présente sur notre continent, l’euroscepticisme a gagné localement nos concitoyens. Il fut un temps hélas où le monde regardait vers la Somme pour de tristes raisons. Il est donc temps que, précisément ce territoire, montre aujourd’hui combien l’Europe peut être un ressort de ce renouveau.
D’où l’importance d’une programmation culturelle et artistique qui fasse le pari de transcender ce passé, de retrouver des principes de plaisir, et de se projeter dans un horizon ouvert sur le contemporain et le monde. D’où l’affirmation que la ruralité est un domaine, comme l’urbanité, de tous les possibles, d’expérimentations et de rencontres, qui doivent générer des récits d’avenir, une générosité et un désir de vivre, et partager les démarches des artistes de notre époque, avec celles des habitants
3/ Parce que la candidature d’Amiens a été portée par des élus et des collectivités qui ne se considèrent pas à la place des opérateurs mais au service d’une population et d’un projet de territoire ; qui ont la conviction que l’art, la culture, l’éducation, sont des moteurs de transformation sociale et un rempart contre les tentations populistes. Ils ont bâti la candidature collectivement, dans un processus associant les partenaires culturels et la société civile. Nous sommes et nous serons avec eux pour participer à la seconde phase de la candidature et porter cette dynamique d’avenir, comme nous l’avons été dès le démarrage.
4/ Parce qu’ici, après Jules Verne, et tous les autres, on compte bien sur la génération 2028 !
A l’instar de l’écrivain amiénois le plus traduit dans le monde, dont on célèbrera le 200e anniversaire de la naissance en 2028, les artistes, auteurs et créateurs sauront dessiner de nouvelles passerelles entre art, sciences et utopie. La Capitale européenne de la culture devra contribuer à la reconnaissance de l’altérité et au dialogue nécessaire entre les imaginaires et la réalité de nos transformations culturelles, écologiques et sociétales, qu’elles soient hyper locales ou globales.
5/ Parce que Amiens – Vallée de Somme 2028 peut devenir un prototype et un exemple. Cette photographie en effet n’est pas unique sur notre continent où de nombreux territoires, centres urbains et vallées, se battent aussi pour sortir de ces déterminismes. En déployant le projet dans une logique de travail éco-raisonnée et inclusive avec les habitants et la société civile, ALTER-NATIVE peut faire école comme facteur de changement véritable à son échelle.
La Capitale européenne de la culture donne en outre un cadre et une dynamique incomparable à ses étapes : projets Perspectives, festivals en plein essor et temps forts européens que nous menons, nouvelles collaborations le long de la Somme, arrivée de la BnF, équipements en devenir comme la Plateforme des Images et de la Création ou la scène de musiques actuelles, construction de projets intergénérationnels élargis à la vallée…
Toutes propositions des partenaires d’Amiens – Vallée de Somme autour des valeurs européennes, qu’elles soient d’égalité, de lutte contre les discriminations, de solidarité, de reconnaissance des diversités et des droits culturels, ou de transitions écologiques.
Nous avons fait le choix, l’un comme l’autre il y a plusieurs années, de venir nous installer à Amiens, et nous nous reconnaissons pleinement dans cette ambition qui porte les facteurs de sa réussite dans son désir et sa sincérité. Nous savons, par nos expériences passées à Lille 2004 et Marseille 2013, que l’un des plus beaux rôles que peut jouer le titre de Capitale européenne de la culture, est celui de donner corps et rendez-vous à la transformation d’un territoire mais aussi de ses mentalités à travers la réussite d’un projet collectif. Nous voyons combien, ici, ce temps est venu et pourrait permettre d’inscrire cette dynamique de façon durable. Nous savons aussi combien Amiens – Vallée de Somme 2028 peut apporter un exemple et une compréhension de pourquoi le projet Européen reste notre
avenir à tous.
Laurent Dréano, directeur de la Maison de la Culture d’Amiens, ancien coordinateur général de Lille 2004 Capitale Européenne de la Culture.
Pascal Neveux, directeur du FRAC Picardie Hauts-de-France, ancien directeur du FRAC PACA et membre du comité de pilotage de Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture
Amiens, le 10 février 2023
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