Carnets de création (7/28). Complice de Vimala Pons, Tsirihaka Harrivel se réinvente en homme-orchestre avec La Dimension, objet sonore et scénique. La sortie d’un album de musique d’abord, puis un spectacle “d’après » ensuite.
Tsirihaka c’est un corps, souple et chorégraphique, autant qu’une voix, enchantée. Avec De nos jours (notes on the circus) du collectif Ivan Mosjoukine, on découvrait l’un, dans Grande, en duo avec Vimala Pons, on entendit l’autre. Depuis, on guette chaque pas de côté de Tsirihaka Harrivel, artiste attachant. Son actualité en cette fin d‘hiver ? « Ce sont des journées à travailler autour d’un spectacle qui s’appelle La Dimension d’Après. Comme son nom l’indique c’est un spectacle “d’après” : il est écrit “d’après” La Dimension, un album de musique que j’ai commencé à écrire à partir de 2017 et qui sortira fin février chez Teenage Menopause ; il est “d’après” l’histoire inventée de quelqu’un qui tomberait dans un bâtiment désaffecté (lui-même d’ailleurs serait désaffecté émotionnellement : il n’échouerait pas là par hasard) ; et il est “d’après », et après, GRANDE- (le spectacle que j’ai imaginé avec Vimala Pons ma partenaire de création) : c’est un zoom sur la 28ème minute de ce spectacle. 2 choses émergent aujourd’hui donc (album et spectacle) qui forment une sorte de diptyque : La Dimension d’après/la Dimension…, et ce diptyque crée lui-même un autre diptyque avec le spectacle que prépare Vimala, Le Périmètre de Denver (2022). Voilà c’est tout plein de raisons, mais concrètement je ne répète qu’un spectacle basé sur une succession de coups ». De ce solo, mais pas seul – « nourri de lectures comme celle de Pacôme Thiellement ou de rencontres »-, Harrivel dit qu’il est « riche d’une part de moi. Avec Vimala, nous avons co-écrit nos spectacles pendant 10 ans. Avoir une respiration c’est essentiel ». Même si Vimala Pons n’est jamais (trop) loin qui le conseille sur des choses de fond.
Comme nombre de créateur-interprète, Tsirihaka a vécu 2020 au (faux) rythme des confinements et autres contraintes. « J’ai été jusqu’ici en période d’écriture mono-tâche sur ce cycle de travail et la plupart des théâtres ont fait le maximum pour assurer les périodes de résidence (donc sans public). Ce qui est une chance absolue dans cette période négative. On va dire que les conséquences étaient moindres (de ce côté-là). Avec les personnes qui travaillent avec moi, on a dû surfer sur cette vague très aléatoire pour continuer à faire tous nos trucs. On se prépare maintenant à la non-création (?) d’un spectacle dans 3 semaines, ça sera surtout une manière pour nous de créer une ponctuation finale à cette période d’écriture avant de pouvoir un jour le présenter à pleins de gens. L’album de musique, La Dimension, sortira donc avant : il jouera vraiment son rôle de bande-son à l’envers. Les choses sont là et j’essaie de tenir les timings car c’est pour moi une manière de ne pas me sentir complètement impuissant face à ce qui arrive et cela permet de commencer à travailler sur les autres projets qui me tiennent à cœur et qui m’attendent ».
Faudra-t-il penser autrement ce monde d’après, celui de la création en tout cas ? « Je ne sais pas quoi répondre…C’est quand même quelque chose tout ce qu’on se prend en pleine face en ce moment, on est obligé de l’affronter et il faudra bien trouver un moyen de transformer cette matière tristoune en quelque chose… ». La solidarité, notion essentielle lorsque l’on pense collectif, est dès lors un horizon possible pour les créateurs aujourd’hui. On pose la question à Tsirihaka Harrivel. « Je ne sais pas si c’est cela la question mais je répondrai que je sens autour de moi une nécessité de se regrouper, de s’organiser, de mutualiser les moyens et de créer pleins de microcosmes pour ne pas dépendre uniquement de ce qui peut se passer : préparer une défense. Bien sûr ce n’est pas nouveau mais cette satanée crise a accéléré cette tendance. C’est maintenant le futur, en fait. Il faut se ressouvenir qu’on va faire des choses et que c’est puissant de voir un spectacle (parfois) quand c’est autre chose qu’un avis -un peu comme ici- mais quelque chose écrit avec une langue nouvelle et une pensée qu’on aurait jamais pu imaginer. »
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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