Bovary commence à faire son chemin dans l’histoire du théâtre Européen. D’abord créé à Lisbonne, en Portugais, Tiago Rodrigues a remonté ce spectacle au Théâtre de la Bastille au printemps 2016. Il revient rue de la Roquette tout au long du mois de mars 2018.
Le 20 juin 2016, lors de la 52e remise des prix de l’Association Professionnelle de la Critique au Théâtre du Tarmac, Tiago Rodrigues venait du Portugal afin de recevoir la récompense couronnant « la meilleure création d’une pièce en langue française » pour Bovary. Se démarquant des autres lauréats à qui l’on demandait d’être bref, Rodrigues a jugé qu’il n’avait pas à l’être. Après tout, ce lusophone qui venait d’obtenir une distinction pour un texte écrit dans une langue qui n’est pas la sienne, n’avait pas fait tout ce chemin pour parler trois minutes ! Après presque un quart d’heure de remerciements entrecoupés de considérations sur son travail, il s’est envolé vers d’autres horizons. Car Tiago Rodrigues est, selon ses propres mots, quelqu’un de très prolifique.
Artiste hyperactif, il marque le paysage de la création en France depuis sa première invitation au Théâtre de la Bastille en 2014 avec By Heart, il venait alors d’être fraîchement nommé à la tête du Teatro Nacional Dona Maria II de Lisbonne. En 2015, il met en scène Antoine et Cléopâtre en portugais au Festival d’Avignon. A l’automne 2016, le spectacle est remonté avec les mêmes acteurs mais en français, de nouveau à la Bastille : la performance est toujours aussi sensationnelle. La même saison, il recrée Bovary puis lance Occupation Bastille, une aventure au long cours aux côtés du public. En 2017, Avignon l’invite de nouveau pour la création de Sopro. La qualité de son travail lui attire très rapidement la reconnaissance de la critique et du public hexagonal.
Tiago Rodrigues à propos de « Bovary ».
Rodrigues est un peu provocant, franchement iconoclaste et sa prétention ne semble pas toujours feinte. Mais il est un génie de la langue, ses spectacles montrent un homme sensible à la musique des mots doté d’un talent certain pour la faire entendre. Acteur, auteur, metteur en scène, technicien : il est un homme de théâtre complet, se définissant comme Européen, il maîtrise plusieurs langues et a fait ses débuts aux côtés des Belges de tgSTAN alors qu’il sortait fraîchement du conservatoire de Lisbonne à la fin des années 1990.
De ses jeunes années, il aime encore à produire des passages foutraques à travers chacune de ses créations, les comédiens sont libres, beaucoup de choses peuvent bouger d’un soir à l’autre. Mais ce work in progress incessant est aussi cadré par des images à l’esthétique éblouissante qui semble laisser peu de place à l’improvisation. Du passage dans Sopro où les comédiens chantent Wild is the wind de Nina Simone aux feuilles qui volent et couvrent la scène de la pensée de l’auteur dans Bovary. Toute cette magie semble simple, sans grands moyens apparents.
Bovary n’a pas pour socle le roman de Flaubert, mais le procès qui a été mené contre lui à la publication du livre. Flaubert y est un homme acculé qui ne flanche jamais dans la foi qu’il a en son œuvre même si elle est incomprise. Une autre définition qui pourrait aider à saisir Tiago Rodrigues ?
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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