Portrait, une chorégraphie bien dans les clous

photo © Julien Benhamou

Au Théâtre Jean Vilar à Suresnes, Mehdi Kerkouche, nommé début 2023 directeur du Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne, ouvrait le festival Suresnes cité danse avec Portrait. Une création dont la finesse de la chorégraphie est contrebalancée par des partis pris esthétiques tièdes.

Tout juste nommé à la tête du Centre chorégraphique national de Créteil, à la suite du chorégraphe hip-hop Mourad Merzouki, Mehdi Kerkouche, créait l’événement avec sa dernière pièce intitulée Portrait, en ouverture du festival Suresnes cité danse. Un bond en avant pour ce chorégraphe remarqué pour ses vidéos de danse pendant le confinement « On danse chez vous » qui lui ouvre ensuite les portes de l’Opéra de Paris (pour une création finalement diffusée en ligne). Portrait, création attendue se révèle malgré son exécution impeccable, assez fade.

Sur un plateau à la scénographie minimaliste (sol blanc serti d’un rectangle noir), les interprètes, déploient leur gestuelle fluide, léchée, qui allie avec habileté force et souplesse. Huit d’entre eux sont vêtus de gris, plutôt jeunes, athlétiques, seulement une femme est habillée en blanc, (Amy Swanson) aux longs cheveux grisonnants, plus âgée. La pièce se veut un portrait de famille, qui mêle des individualités différentes, ici des danseuses et danseurs d’horizons chorégraphiques différents, du hip-hop au contemporain en passant par la danse moderne d’Isadora Duncan. On voit même apparaître dans l’ensemble des gestuelles connues, comme des figures au sol de break ou des jeux de bras du locking.

La cohésion familiale est bien là, palpable à travers une énergie fédératrice, souvent jouissive, qui oscille entre puissance et grâce. Medhi Kerkouche et sa compagnie EMKA, créée en 2017, excellent dans l’art de produire des moments efficaces, où l’alliance du geste et de la musique (composée par la musicienne et créatrice de pièces électroacoustiques Lucie Antunes), donne envie de danser. Une patte pop qu’il semble avoir affinée en chorégraphiant pour des stars de la chanson comme Christine and the Queens ou Angèle.

En dépit de sa propreté formelle et de son pep’s, Portrait révèle des partis pris esthétiques tièdes. Alors qu’elle entend montrer les liens familiaux, à travers dîners de famille, accolades et conflits, l’enchaînement des tableaux soutenus par une gestuelle un poil narrative reste flou. D’autre part l’esthétique dépouillée, la musique atmosphérique qui scande le rythme et l’interprétation emprunte de lyrisme, renvoie à une danse contemporaine connue, bien dans les clous et presque déjà dépassée. On aimerait ce portrait moins lisse et plus audacieux.

Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr

Portrait
de Mehdi Kerkouche
Avec Micheline Desguin, Matteo Gheza, Jaouen Gouevic, Lisa Ingrand Loustau, Shirwann Jeammes , Sacha Neel, Amy Swanson, Kilian Vernin, Titouan Wiener Durupt

Création musicale Lucie Antunès
Lumières Judith Leray
Costumes Guillaume Boulez

Production Compagnie EMKA. Coproduction Théâtre de Suresnes Jean Vilar / festival Suresnes Cités Danse 2023, Théâtre Sénart – Scène nationale, Chaillot – Théâtre National de la Danse, L’Archipel – Scène nationale de Perpignan, Visages du monde / Cergy, CCN de Créteil et du Val-de-Marne. Le spectacle est subventionné par la DRAC Île-de-France. Accueil en résidence : Théâtre de Suresnes Jean Vilar, Visages du Monde / Cergy, L’Avant Seine – Théâtre de Colombes, Chaillot – Théâtre national de la Danse. Avec le soutien de la SPEDIDAM.

Durée 1h

Suresnes Cités Danse 2023
du 6 au 8 janvier

Chaillot – Théâtre de la Danse
du 18 au 21 janvier 2023