Le Festival d’Automne lui consacre un portrait en une dizaine de rendez-vous. Redevenu chorégraphe indépendant après l’aventure du Musée de la Danse, Boris Charmatz éclaire cette rentrée singulière.
Boris avant Charmatz
Pour l’ancien pensionnaire de l’école de danse de l’Opéra de Paris (en coup de vent) puis du Conservatoire de Musique et de danse de Lyon être interprète sera la plus belle formation. Boris Charmatz croise donc la trajectoire de Régine Chopinot ou Odile Duboc. Son allure de faune ne laisse personne indifférent ; avec son complice de l’époque, Dimitri Chamblas, il se lance dans l’aventure de la chorégraphie. L’Association Edna est initiée, A bras-le-corps en sera l’acte de naissance. Un duo physique d’une rare intensité. A Bras-le-corps est également entré au répertoire de l’Opéra de Paris dans une version pour Karl Paquette et Stéphane Bullion, étoilée donc. Charmatz et Chamblas se sont promis de le danser jusqu’à ce que leur corps s’y refuse. Cette pièce, à la beauté durable, sera du Portrait automnal. Enfin dans l’écrin de la Fondation Lafayette Anticipations on pourra voir (sans titre) (2000) de Tino Sehgal avec Charmaz lui-même.
Une traversée du siècle
Le chorégraphe n’a jamais oublié l’interprète qu’il était (et qu’il est toujours…). La mémoire de ce XXe siècle, il la déploie dans un projet tentaculaire 20 danseurs pour le XXè siècle. L’idée, simple, est de réunir des solistes pour une odyssée sensible, une variation chorégraphique où le butoh voisine avec le hip hop, Nijinsky avec Jérôme Bel. Le public déambule selon le lieu, une bibliothèque à Rennes, les salons dorés du Palais Garnier. Il retrouve cette fois les espaces du Châtelet pour cette version augmentée, 20 danseurs pour le XXè siècle et plus encore. Boris Charmatz entend même cette fois grignoter sur le nouveau siècle. Il n’a pas perdu de vue que la salle parisienne aura connu bien des soubresauts majeurs de la modernité artistique. Il met ses pas dans ceux des Ballets russes. Excès de vanité ? Sans doute pas. Mais un goût de l’histoire partagée. Il en sera de même avec La Ruée inspirée du livre de Patrick Boucheron, Histoire mondiale de la France.
Vertige Charmatz
Pièce essentielle du répertoire de Boris Charmtaz, Aatt enen tionon résonne étrangement avec notre époque dé-confinée. En effet cette chorégraphie créée en 1996 se joue sur plusieurs niveaux isolant les 3 danseurs sur un plateau –ils ne se rencontrent jamais, pris dans une distanciation sociale avant l’heure. Ici les corps sont fragmentés, étirés tandis que le regard du public est démultiplié. Suspendus dans un vide précaire, les trois interprètes (Mathieu Burner, Olga Dukhovnaya et Charmatz lui-même) osent le vertige dénudé. Reste à savoir ce que Aatt enen tionon peut nous dire en 2020.
Intérieur/Extérieur
Le chorégraphe avait pensé son Musée de la danse comme un Centre chorégraphique hors norme, un lieu de circulations. Idem avec Bocal son école nomade. Sa compagnie actuelle a pour nom terrain. Dès lors il semble logique de faire sortir la danse du cadre de scène : ce sera chose faite avec Levée des conflits donné dans les théâtres mais aussi les jardins ou Danse de rue créé en réaction aux attentats parisiens et au tout sécuritaire. Reprendre la rue pour réapprendre à vivre (ensemble). Le Festival d’automne en complicité avec la Réunion des Musées nationaux offre à Charmatz et son équipe à géométrie variable de performers un espace unique, le grand Palais au cœur du Paris des pouvoirs. Soit un monument sous la lumière d’une verrière dont les travaux à venir sont, d’une certaine façon, célébrés par La Ronde/Happening Tempête ici proposé. Une pièce de nuit donc, La Ronde, pour des duos amoureux dans le sillage d’Arthur Schnitzler. Et un rendez-vous de jour entre session de danse et party. A Berlin, c’est dans l’ancien aéroport de Tempelhof que Boris Charmatz avait électrisé les foules à l’invitation de Chris Dercon. Ce dernier, aujourd’hui en poste à Paris, retrouve ainsi la danse débridée de Charmatz. La boucle est presque bouclée –à moins que ce ne soit la ronde.
Foule sentimentale
10, 15, 20 danseurs sur un plateau, Boris Charmatz excelle dans l’art des masses en mouvement. Levée des conflits avait marqué les esprits, Enfant –avec sa nuée de jeunes amateurs- avait irrité une partie du public d’Avignon, mais hélas ces deux créations grand format ne sont pas de la partie. Heureusement 10 000 gestes, sans doute la grande pièce de Boris, est présente. Il faut voir –ou revoir- ce précipité de gestes où chaque soliste produit une chorégraphie minute dans un continuum frénétique. Les spectateurs sont parfois bousculés –au propre comme au figuré- mais jamais gratuitement. 10 000 gestes est un hommage à toutes les danses dont le souvenir nous hante. Charmtaz a réuni pour se faire une foule de danseurs allumés de Ashley Chen à Nadia Beugré, Maud le Pladec à Frank Willens. On y retourne de ce pas.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
La Ruée, 18 et 19 septembre, MC93 Bobigny
A Bras-le-corps 26 au 28 novembre, CND Pantin
La Fabrique Boris Charmatz, 26 et 27 septembre, CND Pantin
Aatt enen tionon, Nanterre-Amandiers, 14 au 16 octobre
Boléro 2 ave Boris Charmatz et Emmanuelle Huynh, Orangerie Paris 7 décembre
20 danseurs pour le XXè siècle et plus encore, Châtelet Paris, 23 au 25 octobre
10 000 gestes, Chaillot, Paris 25 au 27 novembre
La Ronde, Grand Palais, Paris du 15 au 16 janvier
Rens : festival d’Automne à Paris www.festival-automne.com
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