L’écrivain anglais Simon Stephens a écrit « Pornographie » trois mois après les quatre attentats suicides du 7 juillet 2005 à Londres qui ont couté la vie à 56 personnes. La pièce été créée par Sebastian Nübling à la Schauspielhaus de Hambourg. « Le terrorisme n’est pas le sujet de la pièce, explique le metteur en scène Laurent Gutman, mais le cadre posé pour sept tableaux. Tous les âges de la vie y sont représentés, du nourrisson au vieillard. Et chaque histoire est celle d’une transgression, plus ou moins bénigne, mais toujours cachée, secrète: espionnage industriel, agression physique, voyeurisme, inceste, préparation d’un attentat dans le métro ».
7 tableaux pour 8 personnages, tous installés au début de la pièce derrière les vitres d’un loft anglais que l’on imagine assez bien se trouver dans le nouveau quartier des docklands. Devant eux, une large scène représente le quai d’un métro. Une voix prévient que « l’on ne doit pas franchir la ligne jaune ». Cette ligne les personnages vont pourtant la franchir, chacun avec leur histoire. Il y a cette mère de famille (Reina Kadudate) qui trahit son entreprise et donne des secrets de fabrication à un concurrent. Ces deux frères et sœurs (Jean-Benoït Souilh et Marline Cuney) qui se livrent à l’inceste. Jason (Lucas Partensky), un adolescent raciste qui a agressé l’une de ses professeurs. Une dame âgée (Yvonne Leibrock) qui aime se caresser en regardant des films porno. Et aussi le terroriste (Arnaud Churin) qui porte la bombe dans son sac à dos…
Le thème de la pièce de Simon Stephens est passionnant, et pourtant la mise en scène de Laurent Gutmann, malgré une très belle scénographie ne parvient pas à décoller. On ne sent pas l’atmosphère pesante qui devrait animer les personnages. Laurent Gutman a choisit de faire débuter le spectacle par l’histoire de la salariée qui trahit son entreprise. Il a confié le rôle à Reina Kakudate, comédienne japonaise, membre permanent de la compagnie “Seinendan” de Tokyo, et qui a déjà joué dans l’un de ses spectacles « Chants d’adieu » et avec Frédéric Fisbach. Elle n’a pas la tache facile : débuter seule le spectacle, et raconter pendant un quart d’heure son histoire dans une langue qui n’est pas la sienne. Elle déploie beaucoup de force et d’énergie, mais on sent bien qu’elle se bat avec les mots. Le spectateur souffre avec elle.
Alors s’égrène le spectacle. Chaque comédien vient raconter son histoire sur le devant de la scène, tandis que les autres restent dans leur loft à bouquiner, à regarder la télé, à dormir…on aimerait presque les rejoindre. Et puis arrive vers la fin, une dame âgée. On entend d’abord sa voix, puis elle s’avance avec sa canne, et raconte sa vie de femme, ses envies, ses secrets : elle aime regarder des vidéos pornos. Yvonne Leibrock se caresse les seins. Le public est médusé et se laisse transporter par cette comédienne. Elle s’appelle Yvonne Leibrock. Ce n’est pas une comédienne professionnelle. En 2008, elle a rencontré David Bobée dans le cadre d’un “atelier senior” au CDN de Thionville. Puis Laurent Gutman l’a fait jouer dans «La Rue » en 2009. Yvonne Leibrock est une petite vedette à Thionville. Elle a animé une émission culturelle sur la radio locale « Radio Beffroi » dans les années 90 et actuellement elle présente une émission sur la télé locale BHTV. Yvonne a réveillé et enchanté le spectateur.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Pornographie de Simon Stephens
traduction de l’anglais Séverine Magois
mise en scène Laurent Gutmann
scénographie Mathieu Lorry-Dupuy, Laurent Gutmann
costumes Axel Aust
lumière Marie-Christine Soma
son Madame Miniature
maquillage, perruques Catherine Saint-Sever
assistant à la mise en scène Jonathan Châtel
avec Arnaud Churin, Maryline Cuney, Reina Kakudate, Yvonne Leibrock, Pauline Lorillard, Serge Maggiani, Lucas Partensky, Jean-Benoît Souilh
production La dissipation des brumes matinales (compagnie conventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication), La Colline – théâtre national
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
le texte a reçu l’Aide à la création du Centre national du Théâtre
L‘auteur est représenté dans les pays de langue française par l’agence MCR, Marie-Cécile Renauld, Paris, en accord avec Casarotto Ramsay, Ltd.
Théâtre National de la Colline
15 rue Malte-Brun Paris 20e
du 18 novembre au 19 décembre 2010
Petit Théâtre
le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 16h
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