Pierre Debauche est le parrain de la 25ème édition de Théâtre en Mai à Dijon. Son directeur, Benoît Lambert, ancien élève de l’école Debauche, a souhaité mettre à l’honneur ce jeune homme de 86 ans, le père de la décentralisation qui a créé le Théâtre des Amandiers à Nanterre au début des années 70. En 1982 il crée la Compagnie Pierre Debauche et voyage à travers la France avant de s’installer à Agen en 1993 où il dirige Le Théâtre du jour, une école de comédie musicale. Rencontre avec un homme essentiel dans le paysage théâtral français.
Que pensez-vous du théâtre aujourd’hui ?
C’est merveilleux ce qui se passe. Depuis la chute du mur de Berlin on peut de nouveau dire un beau poème sans s’excuser qu’il soit beau. L’époque de la dérision est terminée. Il faut refaire des choses qui signifient une logique du désir. Il y a des gens qui veulent assassiner le désir. Ce sera sans moi. Le théâtre c’est un futur possible que l’on fabrique comme une recherche fondamentale. Je suis très âgé et je suis le cadet historique de tout cela. J’étais obligé de faire cinquante ans de théâtre d’après guerre. Ce n’est pas drôle du tout. J’aurais aimé vivre à une époque où le désir est de nouveau libre comme c’est le cas maintenant.
Et vous sentez dans la jeune génération ce foisonnement ?
Bien vous le voyez. Ils sont leur propre preuve. On ne peut pas inventer un rayonnement comme cela s’il n’y a pas quelqu’un derrière. Ils sont formidables. Je les apprécie beaucoup. J’ai une estime énorme pour mes étudiants. Je leur fait mener une vie d’enfer.
C’est très exigeant ce que vous faites avec eux, car il y a de la comédien du chant, de la danse
Agen est une école de comédie musicale, donc c’est complet. Ils savent tout faire. On a besoin de gens compétents. C’est un métier d’avenir, acteur, mais il faut être compétent.
Votre désir de transmettre est-t-il toujours intact ?
Plus que jamais, mais je suis un vieux machin, je suis obligé de me recycler un peu ! Je serai parti alors qu’ils seront en train de faire ce à quoi ils se préparent. Et je suis un peu jaloux de ne pas le voir.
Quand vous travaillez avec eux, est ce que vous pensez à ceux qui vous ont transmis l’amour du théâtre ?
J’y pense très souvent. Il y a l’écrivain Michel de Ghelderolde, un danseur estonien en exil qui m’a appris la danse à Bruxelles, et puis Jacques Lecoq dont j’étais son premier élève à son retour d’Italie, Tonia Balachova, Jacques Mauclair. Et bien sûr Jean Vilar dont j’ai hérité de plein de consignes muettes qui est l’un des hommes les plus intelligents que j’ai connu. Je pense à lui tout le temps comme je pense tous les jours à Tchekhov. Je lui parle tous les jours depuis 55 ans. C’est un partenaire quotidien. Avec Racine, Shakespeare, Tchekhov, j’aimerai partir en vacances !
Cette époque qui va très vite. Qu’en pensez-vous ?
Moi je suis un peu à part. J’écris mes poèmes avec une plume de sergent major trempée dans l’encre. Je conserve un rythme lent. J’ai des projets pour 300 ans mais c’est foutu ! Je suis en train d’écrire une comédie musicale sur l’égalité homme-femme. C’est un beau sujet d’actualité.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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