Philippe Quesne dirige depuis janvier 2014 le Théâtre des Amandiers. Formé à l’École Estienne puis aux Arts décoratifs de Paris, ses spectacles sont uniques dans le paysage théâtral français. Il le prouve une fois de plus avec La Nuit des Taupes créée au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles et qui est la colonne vertébrale de Welcome to Caveland, un happening underground qu’il propose pendant tout le mois de novembre à Nanterre.
Votre nouvelle création « La Nuit des Taupes » va ouvrir Welcome to Caveland, qu’est-ce que c’est un nouveau pays ?
Non c’est plutôt un parc d’attraction. Je serai tout à fait ravi que cela devienne un pays ! C’est un programme de trois semaines qui va se déployer aux Amandiers comme cela a été le cas au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles. Les taupes en sont les curateurs et ont invité d’autres artistes. Il y aura des installations, des conférences, des concerts, des films, une radio qui va récolter de la matière documentaire. J’ai observé depuis plusieurs années la passion des artistes pour le monde des sous-sols et des cavernes.
Avez-vous réellement observé le monde des taupes avant d’imaginer ce spectacle ?
Je suis venu au théâtre par la passion de l’observation des insectes et des animaux. Il faut prendre ce tems pour observer l’autre. Accepter ce spectacle c’est reconnaître l’autre et l’étranger. C’est animal que ne se laisse pas observer si facilement. C’est un mammifère qui nous écoute sous nos pieds. Il connaît l’histoire de rock et de la musique classique autant que celle du Minautore ou de Ben Laden ! C’est un animal que l’on dit nuisible…
Dans nos jardins on a envie de les tuer et sur scène on a envie de les serrer dans nos bras !
Je me suis longtemps questionné sur ce paradoxe. Oser détruire cet animal qui embellit nos jardins qui fabrique ces magnifiques sculptures, ces taupinières est très triste. La taupe est fascinante, c’est quasiment un artiste du Land art. Elle désorganise nos jardins trop bien constitués.
Pour entrer dans votre spectacle, il faut accepter de rentrer dans un monde fantastique
C’est ma première pièce onirique et musicale. C’est presque un opéra-rock. Il faut se laisser aller. Il n’y a pas de langage. Il y a des grognements, des mélodies, de la guitare, de la batterie, du tereming. On pénètre dans un monde organique pour plonger dans cette cavité. Il faut l’observer comme un tableau vivant, comme un livre en pop up que l’on déplie. Il y a des allusions à Beckett et à Shakespeare.
La référence à Shakespeare, elle saute aux yeux dans cette scène en théâtre d’ombres. Les taupes sont aussi des actrices.
Chez Shakespeare il y a énormément d’allusions aux tombeaux, à la terre, à la fumée, à la brume. Et dans cette séquence très shakespearienne on y parle de meurtres, de violence, de folie et aussi d’humour. Comme dans ses pièces. Ces références me permettent d’inventer ces formes théâtrales en considérant le pouvoir du spectateur d’y amener ses propres histoires.
Il y a une véritable montée en puissance dans le spectacle qui se termine en transe avec un morceau de pop comme dans un concert rock.
Il était important que ces taupes amènent la culture underground à la surface. Il y a cette violence, cette énergie qui est contenue dans ces caves où les groupes répète de la musique et les taupes militent pour ce type de courant alternatif. La puissance remonte à la surface. J’avais besoin de cette violence pour achever le spectacle au moment où la société cherche comment avancer. J’avais envie que les animaux remontent à la surface et disent aux humains « attention on est là, on peut vous aider ». On est dans une société où l’on ne sait pas comment régler le problème des réfugiés et la taupe est un animal sans frontière. Elle est affranchie de cette question stupide. Elle n’a pas de territoire.
Il y a aussi beaucoup de poésie.
C’est ce qui permet au spectacle de se laisser aller. Ces taupes dessinent, peignent, font l’amour comme les êtres humains. C’est une utopie et je ne fais pas de théâtre sans utopie. L’utopie et la poésie doivent se combiner. Les artistes ne sauveront pas la planète mais ils doivent éveiller pour proposer d’autres chemins que ceux de notre vie de tous les jours.
Un mot sur les acteurs qui endossent ces costumes de taupes. C’est assez éprouvant, non ?
Oui c’est une performance. On n’est pas loin du cirque ou de la danse. C’est très physique. Cela sent mauvais dans les costumes ! Ils ne voient rien. Ils n’entendant pas grand-chose. Ils sont taupes et c’est parfois douloureux. Ce serait difficile de faire un spectacle de 12 heures comme Julien Gosselin, alors j’ai opté pour un spectacle court.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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