Au Palais Garnier s’est donnée la première française d’Only the sound remains. D’une splendeur ineffable, la nouvelle création du duo Kaija Saariaho / Peter Sellars, composée de deux courtes pièces d’inspirations japonaises, est portée par des solistes magnétiques.
Créé la saison dernière à l’Opéra d’Amsterdam, Only the sound remains est la dernière collaboration entre la compositrice finlandaise et le metteur en scène californien qui après L’Amour de loin (2000) et Adriana Mater (2006), retrouvent par bonheur la scène lyrique parisienne.
Emprunt d’un mysticisme assumé, le diptyque proposé rassemble deux pièces issues du théâtre Nô dont l’aspect ritualisé est conservé, enrichies d’échos au wagnérisme et au messiaenisme. C’est bien l’universalité que visent ces œuvres dont l’esthétique stylisée à la fois minimaliste et abstraite s’extrait d’un japonisme de folklore. Juste un podium placé au bord du plateau sert tantôt d’autel, tantôt de stèle, tandis que les toiles signées Julie Mehretu, éclairées de subtils jeux de lumières, délimitent le cadre intimiste dans lequel évoluent trois solistes : deux chanteurs particulièrement habités et la danseuse Nora Kimball-Mentzos. Celle-ci se distingue par la vivacité de ses mouvements gracieux, notamment ses mains qui évoquent les moudras hindouistes.
En fosse, sous la direction d’Ernest Martinez Izquierdo, deux quatuors, l’un à cordes, l’autre vocal, une riche palette de percussions, une flûte et un Kandele, instrument finois à cordes pincées proche du luth et du koto japonais, sont prompts à faire entendre par leurs inspirantes harmonies imitatives une nature rageuse et luxuriante comme à prolonger la voix et la respiration humaines amplifiées par l’usage de l’électronique dans un flux sonore dense et envoûtant qui souligne sans lourdeur l’immatérialité et l’intranquillité du propos.
Ce climat atmosphérique et très poétique assure l’unité de la soirée. Dans le premier opus, un prêtre est obstinément hanté du fantôme d’un homme tombé au combat, celui-ci apparaît dans son ombre géante et réveille en lui un désir enfoui bientôt consommé en une étreinte brûlante. Moins puissant, le second titre met en scène une visitation surnaturelle d’une pareille symbolique.
Quittant les ornementations baroques pour une écriture contemporaine aussi virtuose qu’expressive, l’admirable contre-ténor Philippe Jaroussky fait ses débuts à l’Opéra de Paris dans les rôles d’un spectre puis d’un ange auxquels il apporte la dimension cristalline de ses aigus célestes toujours splendides qui contrastent avec la suavité plus charnue et caverneuse de Davone Tines, impressionnant en prêtre et pêcheur implorants et tourmentés, magnifiquement incarnés jusque dans une transe électrique sur les derniers murmures d’une voix qui se dissipe dans le néant.
C’est ainsi que se conclut délicatement la partition qui regorge de sons étales et vibrants. Dans un espace-temps aussi profond que suspendu, chaque note, chaque image, d’une grande force émotionnelle, est un voyage vers l’ailleurs comme en soi-même.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Only the sound remains de Kaija Saariaho
Opéra en deux parties
Musique
Kaija Saariaho
Livret
Ezra Pound
Ernest Fenollosa
D’après Deux pièces du théâtre nô japonais, Tsunemasa, Hagoromo
En langue anglaise
Direction musicale
Ernest Martínez Izquierdo
Mise en scène
Peter Sellars
Avec
Spirit, Angel
Philippe Jaroussky
Priest, Fisherman
Davone Tines
Danseuse
Nora Kimball‑Mentzos
Quatuor à cordes
Meta4
Kantele
Eija Kankaanranta
Flûte
Camilla Hoitenga
Percussion
Heikki Parviainen
Quatuor vocal
Theatre of Voices
Else Torp
Iris Oja
Paul Bentley-Angell
Jakob Bloch Jespersen
Décors
Julie Mehretu
Costumes
Robby Duiveman
Lumières
James F. Ingalls
Son
Christophe LebretonSurtitrage en français et en anglais
Commande et coproduction avec de Nationale Opera, Amsterdam, Canadian Opera Company, Toronto, teatro real, Madrid, finnish National Opera, Helsinki2h20 avec 1 entracte
Palais Garnier – du 23 janvier au 07 février 2018
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