On est au début du dialogue des Chaises, c’est Le Vieux qui parle : « Il est 6 heures de l’après-midi… Il fait déjà nuit. Tu te rappelles, jadis, ce n’était pas ainsi ; il faisait encore jour à 9 heures du soir, à 10 heures, à minuit. » Oui, peut-être y a-t-il eu des jours heureux, mais tout fout le camp : le jour, la lumière, la nuit, la mémoire et le reste avec… C’est cette radicalité sans partage qui est au principe du théâtre de Ionesco, un théâtre métaphysique qui aussitôt nous met en prise sur l’essentiel, le sort commun des êtres humains.
Un ami me dit : ‘‘ C’est bien simple ; vous voulez dire que le monde est la création subjective et arbitraire de notre esprit ? ’’ De notre esprit, oui, non pas de mon esprit. Je crois inventer une langue, je m’aperçois que tout le monde la parle. » Un contenu parfaitement universel qui trouve au théâtre, dans les moyens du théâtre et de la scène son langage le plus adéquat. Kafka disait que là où le théâtre fait le plus fort, c’est quand il rend visibles des choses invisibles. Avec Les Chaises – et précisément la réception des invités, toutes ces « présences absentes », cette intuition de l’écrivain praguois se trouve exemplairement illustrée : la batterie de chaises bien réelles concrétise l’absence des invités et accentue le vide dans lequel s’enfoncent les deux Vieux.
Lorsqu’elle parut, la pièce fit scandale. Mais d’emblée, certains comme Adamov ne s’y trompèrent pas : « On a peur d’une image de la décrépitude qui réduit l’existence à un vagissement sans évolution, depuis le berceau jusqu’à la mort. Or, cette image terrifiante, Ionesco l’a découverte et nous la fait découvrir par des moyens proprement scéniques. À un homme qui se met à nu avec un tel courage, on doit au moins le respect. » En fait de respect, il fallut bientôt se rendre à l’évidence de la vérité d’une oeuvre imparable et Ionesco connut une gloire mondiale.
Les Chaises, un véritable défi au théâtre comme ce fut le cas de nos précédents spectacles : Le Malade imaginaire, Le Procès, Don Quichotte et OEdipe »…
Bruno Netter, acteur aveugle, est aussi l’animateur et la figure emblématique de la Compagnie du Troisième OEil ; Monica Companys, actrice sourde, étant sa partenaire la plus éminente : ils interprètent ensemble les deux Vieux.
Attention, il n’y a dans Les Chaises rien qui soit triste : c’est la Vie ! Note d’intention de Philippe Adrien
Les Chaises
de Eugène Ionesco
mise en scène Philippe Adrien
—avec
Monica Companys La Vieille
Bruno Netter Le Vieux
Alexis Rangheard L’Orateur
—scénographie Gérard Didier
—lumières Pascal Sautelet
—costumes Hanna Sjödin
—musique Stéphanie Gibert
—collaboration artistique Clément Poirée
—régie générale Agostinho Faria
—régie son Christophe Lourdais Production : Compagnie du 3e OEil, conventionnée par la Drac des Pays de la Loire, avec l’aide de la Ville de Paris, la Sarl Batistore, l’Agephip, en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.
du 15 octobre au 5 novembre 2011
du mardi au samedi 20 h 30
dimanche 16 h 30
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