Pépite de musicalité dansée, °Up signe la rencontre du ballon rond et du violon grâce à deux interprètes formidables. Le musicien Gabriel Majou et le joueur de foot Paul Molina s’adonnent à leurs disciplines respectives jusqu’à faire corps et œuvre commune. À la tête du Phare – CCN du Havre, le chorégraphe Fouad Boussouf crée ce duo étincelant sous le regard ébahi d’une cohorte d’enfants.
°Up, un titre court comme Fouad Boussouf les affectionne. Aussi court que le rebond d’un ballon, qu’une corde pincée sur un violon. Un titre qui invite à l’élan, au saut, à décoller du sol un instant. °Up est un duo ciselé qui orchestre le mariage des contraires, et confirme une fois de plus l’immense sensibilité de Fouad Boussouf, son attention à la relation sous toutes ses formes, sa recherche gestuelle affutée et inspirée. Porté par deux interprètes prodigieux, Gabriel Majou, à la composition musicale et au violon électronique, et Paul Molina, expert en foot freestyle, cette petite forme à destination du jeune public célèbre la rencontre entre musique et sport, et au-delà. Il s’agit ici de frictionner les esthétiques pour observer de près leur alchimie, comment elles s’impactent mutuellement et déteignent l’une sur l’autre.
Au tout début, le noir, et puis le son. D’abord assis au loin, le musicien penché sur son instrument nous enveloppe de ses mélopées. Pédales au pied, il empile les boucles, et la musique d’enfler progressivement jusqu’à donner une épaisseur tangible à l’espace vide autour ; puis un ballon fait son apparition, suivi du joueur qui l’anime. Dans la pénombre, un premier tour de piste en forme de course circulaire. Progressivement, la lumière nous révèle les deux individus en présence. Chacun dans sa sphère au départ, ils adoptent petit à petit le même rythme, se répondent avec leur mode d’expression. Paul Molina manie le ballon avec une virtuosité qui ne fait que s’étoffer au fur et à mesure de la pièce. Des jongles au jonglage, il n’y a qu’une passe qui fait la différence, et la balle de se balader des pieds à la tête en passant par les épaules, le dos, le cou, les bras.
C’est un festival de figures impressionnantes et maîtrisées. Des ronds de jambe aux postures au sol, le corps est sens dessus dessous. Il danse avec son partenaire de cuir blanc, tandis que le musicien lui aussi s’y met. Les frontières s’estompent, les disciplines se confondent, le ballon change de camp et le violon atterrit dans les mains du footballeur dans un retournement de situation qui ajoute à la stupéfaction. Rien n’est facile ici, tout est fluide. La virtuosité est de mise et le réseau de gestes qui dessine la chorégraphie derrière les facéties sans arrêt renouvelé, réinventé. Comme si tous les possibles du duo étaient explorés. Fouad Boussouf va jusqu’au bout de son dispositif, il ne s’arrête pas en chemin, au contraire, il tisse tout ce qu’il peut de liens et fait évoluer la relation pas à pas. Presque timides au début, les deux comparses gagnent en complicité et leurs interactions sont de plus en plus élaborées.
Certaines images resteront gravées, comme ce ballon cosmique tournoyant sur son axe au bout de l’archet qui l’élève. Et ces regards échangés entre Gabriel Majou et Paul Molina, qui disent leur plaisir à jouer ensemble. Chacun dans leur style, l’un grand et longiligne, l’autre, tout en muscles fins et ramassés, ils parviennent à nous épater, sans pour autant tomber dans l’écueil de la démonstration de talent. Car la dramaturgie est tenue et il règne sur ce plateau nu un mélange d’élégance et de douceur bienvenues. Fouad Boussouf a le don des pas de deux. Sa proposition est un bijou qui célèbre l’éventail de nos atomes crochus, le dialogue entre les mondes et les grands écarts sans douleur. C’est d’un réconfort fou. À la fin, chacun dépose au sol son accessoire de prédilection. Ballon et violon assemblés pour former une installation minimaliste, sculpture ready-made rappelant les plus énigmatiques associations surréalistes dans la peinture de Magritte. Serait-ce la clef de ce spectacle qui nous rappelle que les opposés s’attirent irrésistiblement ?
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
°Up
Direction artistique, chorégraphie Fouad Boussouf
Avec Gabriel Majou, Paul Molina
Musique Gabriel Majou
Lumières Romain Perrillat-Collomb
Costumes Salina DumayProduction Le Phare – Centre chorégraphique national du Havre Normandie / direction Fouad Boussouf
Coproduction Equinoxe scène nationale de Châteauroux, Mission danse de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Soutien en résidence Service culturel de Magny-les-Hameaux, Institut Français du Maroc, Espace Culturel et Artistique Riad SultanLe Phare – CCN du Havre Normandie est subventionné par le Ministère de la Culture / DRAC Normandie, la Région Normandie, le Département de Seine-Maritime et la Ville du Havre.
Durée : 45 minutes
À partir de 6 ansChaillot Théâtre national de la Danse, Paris
du 16 au 20 décembre 2025Espace des Anges, Mende
les 3 et 4 février 2026La Confluence, Betton, dans le cadre du Festival Waterproof
le 7 févrierLa Merise, Trappes
lees 18 et 19 févrierOpéra de Limoges
les 5 et 6 marsThéâtre Charles Dullin, Le Grand-Quevilly
du 15 au 17 marsMarminiac, avec L’Arsénic
les 23 mai et 5 juin


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