En dépit d’une réjouissante exécution musicale, Candide de Bernstein présenté à l’Opéra de Lyon ne convainc pas dans la mise en scène de Daniel Fish dont la seule irrévérence est sa criante désinvolture.
Du conte philosophique de Voltaire, Leonard Bernstein, mondialement connu pour West Side Story, tira en 1956 un « comic operetta », qui n’est ni de l’opéra ni de la comédie musicale mais un mélange décomplexé de musiques savantes et populaires. La partition recèle d’une formidable et inventive fantaisie, capable de restituer la dimension divertissante comme la portée politique et critique d’une satire toujours bien concernante. Son compositeur déploie tout l’humour et l’ironie, l’alacrité et l’intrépidité du héros voltairien à la faveur de rythmes endiablés et d’un lyrisme hollywoodien qui font la singularité d’un melting-pot stylistique dans lequel se laissent volontiers apprécier autant de verve que de force émotionnelle. À l’opposé de ces qualités, la mise en scène proposée à l’Opéra de Lyon n’est que vacuité tant s’y affiche une absence totale d’idées et de vivacité. Une impossible apathie gagne un plateau toujours vide, à peine « animé » par quelques illusoires gadgets (des lumières changeantes, une éruption de mousse ou le passage d’une grosse boule en plastique), les interventions d’un narrateur neurasthénique ou encore les mouvements sommaires de danseurs sous encéphalogramme plat.
Il existe trop peu de productions scéniques de Candide davantage donné en version de concert. Alors même que l’œuvre appelle le jeu, réclame le théâtre, c’est ce qui lui fait le plus défaut ici. Robert Carsen, qui assura la première version française de l’ouvrage 50 ans après sa création à Broadway, avait fait de la cage de scène du Châtelet à Paris l’écran d’un géant poste de télévision où s’animaient les nombreuses tribulations du héros éponyme. Ici, le théâtre est totalement mis à nu et les images inexistantes. L’espace dépouillé est comparable à celui d’une salle d’attente où solistes et chœurs se posent indéfiniment. Le propos désarçonne tant il paraît inadéquat avec la folie et la démesure du parcours initiatique raconté. Le spectacle tourne à vide et son signataire semble s’en moquer.
Tout inspire l’ennui, ce qui est un véritable comble pour une partition aussi riche en couleurs et en humeurs. C’est d’autant plus dommage que Candide de Bernstein mérite absolument d’être défendu. Richard Brunel a eu raison de le programmer. Il est d’ailleurs parvenu à réunir une fort belle équipe dont les voix se présentent en totale concordance avec ce répertoire. Le talent de chacun des artistes éclate sous la direction à la fois énergique et lyrique de Wayne Marshall en fosse. Certains tirent leur épingle du jeu. C’est évidemment le cas de la soprano Sharleen Joynt qui envoie crânement son virtuose Glitter and be gay. Le Candide de Paul Appleby arbore quant à lui une allure ordinaire mais possède une belle douceur lunaire. Le public n’atteint pas l’Eldorado mais fait, avec et comme lui, l’amère épreuve du désenchantement.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Candide
Opéra en 2 actes
Livret de Lillian Hellman (1956), d’après Candide ou L’Optimiste de Voltaire
Création à New York, 1956
Version révisée de 1989UN OPÉRA DE
Leonard Bernstein
DIRECTION MUSICALE
Wayne Marshall
MISE EN SCÈNE
Daniel Fish
DÉCORS
Andrew Lieberman et Perrine Villemur
COSTUMES
Terese Wadden
LUMIÈRES
Éric Wurtz
CHORÉGRAPHIE
Annie-B Parson
COLLABORATION À LA CHORÉGRAPHIE
Catherine Galasso
CHEF DES CHŒURS
Benedict KearnsCANDIDE
Paul Appleby
CUNÉGONDE
Sharleen Joynt
MAXIMILIEN
Sean Michael Plumb
PAQUETTE
Thandiswa Mpongwana
LA VIEILLE DAME
Tichina Vaughn
PANGLOSS
Derek Welton
LE GOUVERNEUR, VANDERDENDUR, RAGOTSKI
Peter Hoare
CHARLES EDWARD, 1ER INQUISITEUR/JUGE, CROOK, ALCHIMISTE, SEÑOR 1
Robert Lewis
MARTIN, 2ND INQUISITEUR/JUGE, LE CAPITAINE, HERMAN AUGUSTUS, JUNKMAN
Pawel Trojak
TSAR IVAN, 3ÈME INQUISITEUR/JUGE, CROUPIER, SEÑOR 2
Pete Thanapat
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Solistes du Lyon Opéra StudioEn anglais surtitré en français
Durée : 2h20 avec entracte
Nouvelle production
Opéra de Lyon
du 16 décembre 2022 au 1er janvier 2023
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