Alors que l’Opéra national de Paris rend un hommage (tardif) au danseur Etoile décédé en mars 2021 à l’âge de 61 ans, du 21 au 23 février 2023 au Palais Garnier, trois personnalités racontent « leur » Dupond.
François Alu
Artiste-entrepreneur
«Mon premier souvenir de Patrick Dupond, c’est une cassette vidéo enregistrée par ma grand-mère, passée entre les mains de ma mère. Ce documentaire avait pour titre « Patrick Dupond, le talent insolent ». Le voir bondir, jouer des personnages aussi divers, prendre l’avion ici ou là, cela avait de quoi faire rêver le garçon que j’étais dans son Fussy natal ! Il y avait à l’écran, chez Patrick, quelque chose de généreux, d’ouvert. Bien plus tard, nous nous sommes croisés dans les couloirs de l’Opéra de Paris. Il m‘avait lancé alors : viens me voir. Cela ne s’est pas fait pour des raisons d’emploi du temps. Mais je me dis que, parfois, c’est mieux de rester à distance de ses idoles. Un jour, pourtant, Patrick m’a donné un carnet, sans doute ramené d’Inde, où il avait écrit à mon intention un mot. « Je peux t’aider pour La Bayadère, te conseiller pour ne pas te blesser » entre-autre. Mais là encore, je n’ai pas trouvé un moment pour le voir. Un style, il en avait un. Sa danse était sans limite, très influencée par le modern-jazz, Bob Fosse. Il défendait quelque chose de populaire, on lui a d’ailleurs reproché à l’époque. J’ai l’impression que le plus important pour Patrick Dupond c’était qu’on ne sente pas l’effort, que tout paraisse facile. Max Bozzoni lui avait enseigné cela. Il vivait dans l’instant, il dansait à l’instinct. On ne peut pas expliquer la méthode Dupond, il a marqué l’époque à sa manière. C’était un danseur libre. Revenir au Palais Garnier pour le Défilé avec toutes les étoiles ce 21 février, c’est ma façon de boucler la boucle. Même si je préfère lui rendre hommage chaque jour, pas seulement une fois par an. Il a été un mentor pour moi, mais par ses mots ».
Germain Louvet
Etoile du Ballet de l’Opéra de Paris
« Je n’ai fait « connaissance » avec ces grands danseurs qu’une fois à l’école de danse de l’Opéra : Patrick Dupond bien sûr mais tout autant Noureev, Manuel Legris, José Martinez, Nicolas Le Riche. Là d’où je venais, un « bled », on ne parlait pas d’eux ! J’ai le souvenir de Patrick, en vidéo, dans l’adage du Lac des cygnes avec Sylvie Guillem. Ou à l’école de danse de Nanterre, dans un pas de deux avec Elisabeth Platel. On a l’impression qu’il est à 2000 % sur scène. Mais il me paraît insaisissable, comme si la caméra ne captait que peu du personnage. Une étoile fulgurante en tout cas. Surtout c’est quelqu’un qui n’est pas revenu à l’Opéra de Paris, contrairement à d’autres interprètes vedette. Pour répéter Le Chant du compagnon errant, j’ai regardé des images où Patrick danse avec Jean-Marie Didière. Néanmoins dans le studio avec Maïna Gielgud, venue de Lausanne, et Hugo nous ne nous focalisons pas sur leur manière de danser. Il est impossible de copier Patrick Dupond de toute façon. Notre génération de danseurs est parfois un peu lisse, il faudrait retrouver de cet esprit très spontané typique de l’époque de Patrick. Après je garde un moins bon souvenir de certains propos de l’étoile notamment à propos de l’homosexualité. Ces grands artistes sont parfois ce que l’on projette d’eux. Ou sur eux. Ce n’est jamais facile d’être un exemple ».
*Germain Louvet dansera avec Hugo Marchand Le Chant du compagnon errant de Maurice Béjart au cours de l’hommage au Palais Garnier
Thierry Suc
Producteur
« J’étais à l’époque producteur de Jean-Jacques Goldman. Je ne connaissais rien à la danse classique. Un jour, je suis tombé sur une émission l’après-midi, un des invités vedette était Patrick Dupond. Je me suis dit c’est une star en puissance. J’avais 25 ans et j’ai appelé l’Opéra de Paris pour avoir le numéro de Patrick. Il m’a donné rendez-vous chez lui et rapidement nous avons décidé de travailler ensemble. C’était l’été 85. Nous avons voyagé presque partout avec «Patrick Dupond et ses stars ». Il y avait à ses côtés Sylvie Guillem, Monique Loudières, Jean-Marie Didière, Manuel Legris, Elisabeth Maurin et Fanny Gaïda. Nous avons passé 3 semaines au Japon où Patrick était vénéré. Ses admiratrices se jetaient sur la voiture – elle était blindée ! Nous avons vécu des moments incroyables, je me souviens d’être dans un studio new yorkais à regarder Maurice Béjart et Dupond répéter Salomé. Il me faisait confiance et je devais être à la hauteur. Il était du genre fou-fou. Dans le spectacle que j’ai produit, il entrait en scène sur une chanson composée par Francis Lalanne pour lui. Après il enchaînait les pas de deux. On peut dire qu’il avait un tempérament volcanique. Il était le feu et Jean-Marie Didière le calme. Leur amitié aura été unique et permanente. Patrick s’est dispersé par la suite. Mais il a révolutionné quelque chose je pense, a cassé les codes. Si un François Alu peut faire ce qu’il fait aujourd’hui c’est parce qu’il y a eu un Patrick Dupond avant lui. Patrick avait envie de tout ».
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
UN HOMMAGE TRÈS TARDIF MAIS JUSTIFIÉ. TROIS JOURS POUR UN GRAND C’EST PEU.
En effet un hommage très tardif pour une immense étoile ! Où était les amis après son licenciement de l’Opéra ?