Présenté au Théâtre 13 à Paris, Parpaing de Nicolas Petisoff questionne la construction de l’identité en délivrant une parole à vif et sans filtre, pleinement engageante et concernante.
Aussi lourd que le poids des non-dits, des secrets bien gardés et étouffés, le parpaing qui donne son titre métaphorique au premier texte de Nicolas Petisoff s’utilise et s’additionne en autant de morceaux solidement assemblés pour bâtir, construire, pour se construire, s’édifier. C’est justement le projet de l’artiste qui, issu d’un milieu modeste planté dans la province limougeaude, se présente en scène avec autant de simplicité que son parcours si singulier et tumultueux paraît riche d’une complexité bien difficile à encaisser, à porter, à raconter. C’est pourtant ce qu’il parvient justement à réaliser dans un spectacle dont il est à la fois l’auteur et l’interprète. Le puissant récit qu’il porte à la scène, avec la complicité de Denis Malard, cocréateur de sa compagnie, et accompagné du musicien Guillaume Bertrand, réclame une franchise, un engagement, une générosité, et un certain courage, qui ne peuvent laisser indifférent et qui inspirent même un profond respect. Tout en apparente décontraction, il se présente en simple tee-shirt et pantalon de jogging, en casquette et baskets, il impose aussitôt une présence, une émotion, assez brutes et bien palpables, qui irriguent et musclent son monologue empreint d’autant d’élans rageurs que d’aspiration à la douceur.
Bandes vidéo à l’appui, Nicolas Petisoff refait le film de son enfance et de son adolescence. Il relate le phénomène de connaissance et de développement de soi. Le jeune homme, que son imaginaire d’enfant poussait à se rêver en fils d’illustre tsar, est né sous X, à Bellac, en 1979. A l’âge de dix ans, il apprend par totale inadvertance qu’il a été adopté, puis, bien des années après, qu’il a été abandonné quand enfin lui sont révélés l’existence de ses géniteurs qu’il croyait morts dans un accident de voiture et les trois états civils qui se succèdent sur son dossier. Pour tenter de comprendre qui il est et ce qu’il s’est (à son insu) passé, il restitue sur scène ses nombreuses questions et errances, mêlées d’un sentiment de honte, de haine, quant à son identité. La peinture authentique qu’il fait de sa famille d’adoption, de son père alcoolique et au chômage, de sa mère volontaire mais tellement à bout de nerfs, tient du marasme quotidien sans être dépourvu d’un amour sincère. Une âpre violence mais aussi de romanesques fantasmes accompagnent aussi la découverte de son homosexualité.
Du discours très personnel car autobiographique que livre Nicolas Petisoff dans son spectacle, émane une grande sensibilité, une écorchure, qui suscite beaucoup d’empathie. Parpaing porte un propos rude et direct qui bouscule et qui étreint. Ce spectacle fondateur se présente comme le premier volet de la trilogie des monstres constituée de Comment avouer son amour quand on a pas les mots pour le dire ? évoquant à nouveau l’amour et la sexualité des minorités, puis de Je mérite de changer de gouffre dont l’enjeu sera d’exalter un sentiment de colère face à la violence du monde. Autant de propositions toujours nourries de réel et d’intime, à suivre assurément de près.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Parpaing
Concepteur, auteur, jeu Nicolas Petisoff
Concepteur, régie générale et régie son Denis Malard
Régie générale et régie son en tournée Frank Lawrence
Musicien compositeur Guillaume Bertrand
Régisseur lumière Baptiste Michel
Direction d’acteur Emmanuelle Hiron
Construction François Aubry
Création lumière Benoît Brochard
Création graphique Karosabutkiss
Regard sur l’écriture Ronan ChéneauProduction 114 Cie.
Production déléguée Le Bureau des Paroles – CPPC.
Coproduction CDN de Normandie-Rouen ; Théâtre L’Aire Libre – Saint-Jacques-dela- Lande ; DSN Dieppe Scène Nationale ; L’Unijambiste Cie. Avec le soutien du Festival Art et Déchirure – Rouen, Festival Mythos – Rennes Métropole, CCR Les Dominicains de Haute-Alsace – Guebwiller, Au Bout du Plongeoir–Thorigné-Fouillard, ATP des Vosges – Epinal, Festival Fragment(s) et la Loge–Paris.
Avec le soutien financier de la Ville de Rennes, la Spedidam et Spectacle vivant en Bretagne.
Le texte Parpaing est édité aux éditions Koïnè.
Une version en langue des signes française a été créée à la Scène Nationale de la Rose des Vents en mai 2023.Durée 1h10
Du 24 janvier au 3 février 2024
Théâtre 13 / Glacière – Paris (13)Mardi 12 mars 2024
L’Archipel – Granville (50)
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