Le débat sur la place que doit occuper Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, Président de la République semble avoir été tranché. Une femme de Président, lorsqu’elle est journaliste peut s’occuper de la rubrique culture de son journal, là au moins elle ne sera pas gênante, car c’est bien connu la culture c’est léger, c’est féminin. Dans cet espace culturel, elle ne brouillera pas l’action politique du Président, elle ne fera pas de vagues. Car parler culture, c’est un peu comme parler chiffon ou évoquer la vie des enfants entre copines. Cela ne porte pas à conséquence. C’est de l’anecdotique. C’est futile. Parce que parler culture, c’est tout simplement parler divertissement. On s’amuse quoi, on se lave la tête, on ne réfléchit pas. Aucune voix dans le monde culturel (ni chez les féministes) ne s’est élevée pour défendre la noblesse et l’utilité de la culture dans notre société avec cette polémique sur la place de Valérie Trierweiler.
Or il n’y a pas plus politique que la culture. A longueur de saisons sur nos scènes, les compagnies, les auteurs s’emparent de la parole pour transmettre un discours. Il est encore plus noble et plus utile que le discours des « Politiques », car c’est un discours qui questionne la société au sens du politikos de la société grecque. Aucun débat de société n’est épargné. Il n’y a qu’à voir en ce moment les compagnies italiennes et grecques au Festival Chantier d’Europe du Théâtre de la Ville. Même avec beaucoup de maladresses, elles rendent compte de cette envie de crier sur scène, d’être dans l’action politique, et en résonnance avec l’époque. Alors oui parler de culture, c’est forcément parler de politique, et souvent avec plus de passion, d’intelligence et de virtuosité que le discours purement politique. Hugo, Camus, Ibsen, Brecht ont écrit des pièces politiques dans lesquelles leurs héros sont des acteurs politiques.
Olivier Py, le directeur débarqué de l’Odéon par le pouvoir politique en 2011, vient de publier un ouvrage « Cultivez votre tempête » chez Actes-Sud. Son opuscule est un acte politique. Il interpelle la direction du Parti Socialiste. « La culture est devenue un « sport » de classe sans conséquence sur la vie de la cité (…) comme le tennis, le golf, les vacances à la mer. Pourtant il ne s’agit pas d’améliorer la vie des travailleurs, mais la vie intérieure, c’est-à-dire lui apporter une inquiétude, un manque fondamental qui est le cœur battant de l’inspiration artistique et du libre arbitre. La culture n’est pas charitable. » Olivier Py défend ainsi l’utilité des artistes dans la société. « Alors oui les artistes, comme les chercheurs ont une vraie responsabilité dans ces débats, plus même un rôle essentiel à jouer ».
Alors oui parler de culture est le geste le plus politique qui soit. Au moment où l’on s’apprête à commémorer au Festival d’Avignon le centenaire de la naissance de Jean Vilar, il est temps de considérer la culture comme un fondement essentiel de nos démocraties. Vilar en 66 se posait la question du Festival comme d’un bien culturel. Il avait peur qu’il ne devienne un bien de consommation, « comme la 2CV, le frigidaire », disait-il. Il ajouterait aujourd’hui, « comme l’ordinateur, l’IPhone… » Il y a effectivement un risque, en faisant croire que la compagne du Président de la République puisse continuer à exercer son métier de journaliste dans la rubrique culture, de reléguer les arts au rang de futilité.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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