Avec Para que O Ceu Nao Caia ( Pour que le ciel ne tombe pas) la brésilienne Lia Rodrigues transforme le plateau du Corum en tableau vivant. Une œuvre puissante.
« Café, farine, curcuma« . Le matin même en présentant sa création Para que O Ceu Nao Caia ( Pour que le ciel ne tombe pas) la chorégraphe Lia Rodrigues donnait ces indices, presque amusée, sans préciser ce que ses danseurs en feraient le soir venu. On n’en dira pas plus ici : si ce n’est que les trois ingrédients apportent des couleurs changeantes à cet opéra d’ombres et de sensations. Lorsque les 10 interprètes s’avancent vers le public, se mélangent même à l’audience sur la large scène du Corum on part pour une destination inconnue. Peut-être celle de ce shaman du peuple Yammani dans la forêt amazonienne Davi Kopenawa dont Lia évoquait les propos. « Il existe un seul ciel et l’on doit le préserver, car s’il tombe malade, tout disparaîtra« . Évidemment pour Lia Rodrigues, au delà de ces peuples en partie décimés par les colons portugais, il y a la situation même du Brésil « ce pays où il y aurait plusieurs pays. Comment une œuvre de danse peut parler de cela« .
Elle interroge la place de l’artiste -et donc la sienne- dans une société qui aurait tendance à se replier sur elle-même. « Ma compagnie est aussi une rencontre des différences« . Dans Para que O Ceu Nao Caia on « change » de peau en se couvrant le visage de poudre, on rampe au sol pour évoquer cette immensité d’une jungle, on invente des rituels aussi. Au plus près des corps, les spectateurs peuvent choisir de regarder les solistes droit dans les yeux ou de détourner le regard. « Comment ouvrir nos frontières personnelles et les frontières des pays? » interroge Lia Rodrigues.
Elle a choisi d’installer sa compagnie dans une favela au milieu de 140 000 personnes -« mais pas un seul équipement culturel« . On peut y prendre des cours. Ou suivre une formation de danse. Il y fait chaud -parfois plus de 40 degrés. On y entend des tirs d’arme à feu, trafiquants ou policiers. « Je fais abstraction de cela« . Pour ses spectacles, Lia a décidé de voyager léger : deux sacs pour tout le décor. « Le reste de l’argent passe dans les salaires« . Para que O Ceu Nao Caia, petit frère de Pindorama dont il n’a pas tout à fait la force, va vous embarquer au lointain. « J’ai appris de Maguy Marin à tenir » dit encore Lia Rodrigues. Qui s’insurge du « coup d’état » perpétré dernièrement dans son pays. Alors, seule, elle continue à tenir le ciel. Danser c’est encore et toujours la plus belle des utopies. Lia Rodrigues murmure encore : « je vais continuer mon travail même si il m’arrive de ne pas savoir que faire« . On la croit à peine tant son art montre la voie.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Para que o céu não caia de Lia Rodrigues
Dramaturgie : Silvia Soter
Création lumière : Nicolas Boudier
Collaboration artistique et Images : Sammi Landweer
Assistante chorégraphe : Amalia Lima
Dansé et créé en étroite collaboration avec : Amalia Lima, Leonardo Nunes, Gabriele Nascimento, Francisco Thiago Cavalcanti, Clara Castro, Clara Cavalcante, Dora Selva Felipe Vian, Glaciel Farias, Luana Bezerra, Thiago de Souza, avec la participation de Francisca Pinto
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2016, HELLERAU – European Center for the Arts (Dresden), Kampnagel (Hamburg), HAU Hebbel am Ufer, (Berlin), Künstlerhaus Mousonturm, (Frankfurt am Main), tanzhaus nrw, (Düsseldorf), Festival d’Automne à Paris; Centquatre (Paris), Prefeitura da Cidade do Rio de Janeiro/Secretaria Municipal de Cultura programa Cultura Viva.
En collaboration avec REdes da Maré. fondé par le German Federal Cultural Foundation.Montpellier Danse 2016
Mer. 29 à 18h / jeu. 30 juin à 18h & 21h, ven. 1er juillet à 16h
Opéra Berlioz / Le Corum
4 au 12 novembre au Cenquatre/Festival d’automne Paris
Grenoble MC2 16 17 18 nov avec pIndorama
Tarbes le Parvis les 22 23 nov
Toulouse Garonne les 25 26 nov
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