A Avignon, les récits de vie de gens ordinaires sous régime totalitaire

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Présenté à Benoît XII, Ordinary People est un spectacle créé en duo par la metteuse en scène tchèque Jana Svobodová et la chorégraphe chinoise Wen Hui. Les deux femmes, artistes et activistes engagées, cherchent à raconter des existences apparemment banales, mais soumises à l’autorité du système totalitaire communiste. Inaboutie, la proposition est inégalement convaincante.

Se situant à la croisée du théâtre et de la performance, Ordinary People mêle les genres et les langages scéniques avec l’usage de la danse et de la vidéo ; mais il repose essentiellement sur les récits d’individus qui livrent sur scène des témoignages réels, des souvenirs intimes, des morceaux de leur propre vie.

L’histoire et l’actualité de leurs pays d’origine, la Chine et la Tchécoslovaquie, ne s’exposent pas d’emblée comme dans un cours magistral d’Histoire à la Roland Auzet. Elles se laissent bel et bien entrevoir et comprendre par le truchement de l’intime, à travers les histoires plus ou moins anecdotiques qui sont racontées. Ces énoncés profondément personnels, existentiels, parviennent à rendre compte sans didactisme de l’état du monde dans lequel ils s’inscrivent.

Selon les deux signataires du spectacle, ils ne bénéficieraient pas d’une telle visibilité ailleurs qu’au théâtre. Leur projet est justement d’exposer, de donner à voir et à entendre des hommes et des femmes qui ne suscitent habituellement qu’un intérêt modéré. Ainsi, prennent la parole ces gens ordinaires, qui donnent à la proposition son titre, dans le vacarme et l’agitation étourdissante d’un plateau toujours en mouvement.

Neuf artistes polyvalents, acteurs, danseuses et musiciens, forment une micro-foule partageant un espace commun où ils sont parfois filmés en direct – ce qui renvoie à l’usage de la vidéo-surveillance et à la limite des libertés individuelles dont parle le spectacle. Car tous vivent l’oppression politique. Ils sont animés d’un désir bafoué de révolte, de soulèvement, traduit sur scène par la présence de barrières métalliques, objets hautement symboliques. Elles sont prison, mur, barricade, frontière, rempart, permettent de se protéger ou bien se laissent franchir. La brutale répression existe aussi dans les corps qui dansent en déséquilibre et en tension, dans les soubresauts qui agitent les êtres tantôt prostrés dans l’immobilisme, tantôt animés d’une irréfrénable frénésie.

Sur le plateau, une expression libre et une diversité assumée sont garanties. Mais que ce soit dans la forme ou sur le fond, le propos paraît assez rébarbatif et limité. Le matériau documentaire collecté ne semble pas assez développé ou exploité. A la fin, une fête à l’énergie rageuse vient conclure la représentation et lui donner tardivement l’élan qui lui a manqué.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Ordinary people 普通人
Mise en scène Jana Svobodová, Wen Hui
Avec Jan Burian, Li Yuyao, Jaroslav Hrdlicka, Wen Hui, Pavel Kotlík, Wen Luyuan, Philipp Schenker, Vladimír Tuma, Pan Xiaonan
Dramaturgie Ondrej Hrab assisté de Lonneke van Heugten, Carmen Mehnert
Musique Jan Burian
Lumière Pavel Kotlík
Vidéo Jaroslav Hrdlicka
Assistanat à la mise en scène Valida Babayeva

Production Archa Theatre
Coproduction Hellerau European Centre for the Arts Dresde dans le cadre du projet européen Theatron
Avec le soutien de Culture Program
En partenariat avec France Médias Monde

Durée : 1h30

Festival d’Avignon 2019
Théâtre Benoît-XII
16 17 18 | 20 21 22 23 juillet à 18h