Artiste phare de la saison France Portugal 2022, Tânia Carvalho investit la boîte noire du théâtre des Abbesses pour y déployer une sorte de rêve éveillé pas mal bousculé dans Oneironaut, une pièce dans laquelle se déglinguent les corps et les claviers surchauffés.
Révélée à l’occasion des Rencontre chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis et des Chantiers d’Europe du Théâtre de la ville, la chorégraphe et musicienne portugaise Tânia Carvalho qui est née en 1976 à Viana do Castelo et vit à Lisbonne, a acquis très jeune une technique de danseuse classique puis s’est tournée vers le contemporain et la performance en devenant l’une des figures de proue de l’explosif collectif Bomba Suicida. Elle est déjà signataire d’une vingtaine de pièces où s’affiche fièrement une danse pleine d’énergie et de tempérament. Sous l’influence du mouvement expressionniste qu’elle revisite avec une certaine acuité, l’artiste fait de la scène un lieu qui s’apparente à une piste de cirque ou un plateau de cabaret. En se plaçant loin des canons et des conventions, elle fait s’équilibrer de manière décomplexée une indéniable beauté et un goût prononcé pour quelque chose de foutraque, de décadent et décalé.
A travers un imaginaire fertile, Tânia Carvalho explore l’univers des rêves qu’elle restitue avec autant de folie que d’étrangeté. La pièce emprunte d’ailleurs son titre à la figure de l’ »onironaute », qui, nous apprend le programme de salle, est un rêveur lucide gardant un certain contrôle sur les songes qui inondent son cerveau tout en cultivant un doux espoir d’abandon. C’est justement entre la maîtrise et le lâcher prise que sont précisément placés les interprètes somnambules du spectacle. Le sommeil de la raison engendre des monstres, ainsi, des créatures inopinément sorties de l’obscurité se présentent en simples justaucorps (sans académisme pour autant), les visages peinturlurés, les démarches heurtées. Les danseurs-histrions paradent tels des clowns, des pantins, mal fagotés, un brin cabossés, agités, secoués. Leurs tableaux sont comme traversés de zones de turbulences qui traduisent une fantaisie burlesque mêlée à une profonde angoisse existentielle. C’est à la fois triste et gai, macabre et carnavalesque à souhait. Parfois proche de la pantomime, la danse grinçante et grimaçante de Tânia Carvalho s’inscrit, certes en moins exacerbée, dans la veine de Marlene Monteiro Freitas avec qui elle a collaboré.
Sans aucun autre décor que la présence de deux pianos devant lesquels est installé un duo détonnant formé par André Santos, barbu travesti, et la chorégraphe elle-même dont les râles aigrelets accompagnent la musique. Arborant ironiquement d’exubérantes robes de gala comme pour jouer les maîtresses de cérémonie, ils livrent leurs mélopées méditatives, entêtantes et lancinantes, un peu comme le sont les partitions minimalistes et répétitives de Philip Glass, des ritournelles elles-mêmes perturbées par de fracassants à coups. Onirique, fantasmagorique et chaotique.
ONEIRONAUT
Chorégraphie et direction Tânia Carvalho
Assistant de répétition Luís Guerra
Musiciens Tânia Carvalho & André Santos
Interprètes Filipe Baracho, Catarina Carvalho, Marta Cerqueira, Vânia Doutel Vaz, Luís Guerra, Bruno Senune, Cláudio Vieira
Musique Frédéric Chopin & Tânia Carvalho
Lumière Anatol Waschke
Costumes Tânia Carvalho & Cláudio Vieira (principalement avec des articles Só Dança)
Chaussures Só Dança ligne Vegan
Direction technique Anatol Waschke
Technicien Juan MesquitaPRODUCTION
Tânia CarvalhoCoproduction KLAP Maison pour la danse à Marseille, Centro Cultural Vila Flor (Portugal), Culturgest (Portugal), Teatro Municipal do Porto Rivoli – Campo Alegre (Portugal)
Accueil en résidence KLAP Maison pour la danse à Marseille, Centro de Criação de Candoso – Centro Cultural Vila Flor (Portugal), CSC – Centro per la Scena Contemporanea Bassano del Grappa (Italie), O Espaço do Tempo (Portugal)
Avec le soutien de la Fundação Calouste Gulbenkian à Lisbonne (Portugal), du Ministério da Cultura – Direção-Geral das Artes (Portugal), Com Calma – Espaço Cultural (Portugal)
Avec le parrainage de Só Dança
Durée : 45 minutes
Théâtre de la Ville – Les Abbesses
du 7 au 12 mars 2002
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