A la Commune d’Aubervilliers, théâtre qu’elle dirige, Marie-José Malis reprend « On ne sait comment » de Luigi Pirandello. Une version lente et méditative qui ne s’adresse qu’à un public averti, tant certains spectateurs sont conquis et d’autres consternés.
Depuis sa création en 2011 à Montpellier, au Théâtre de la Vignette, cet « On ne sait comment » est plus ramassé, il a pris du corps mais reste encore bien fade, comme un plat sans épices. Chez Marie-José Malis, point d’illusion théâtrale, et c’est l’une des contradictions de son théâtre. La lumière reste allumée dans la salle tout au long de la représentation, et change de couleur, d’intensité, en fonction de l’heure du jour à laquelle se passe la scène, voulant ainsi créer une sorte d’unité d’action entre le spectateur et ce qui se déroule sur scène. Or, on n’ose pas bouger pour ne pas déranger, pris dans une sorte de messe théâtrale où ceux qui quittent la salle sont suivis du regard sévères des spectateurs emballés et interrogatifs à propos du fait qu’on ne puisse pas être pris par théâtre.
Le fil du drame s’étend en longueur, comme une interminable méditation, ici sur la vérité. Un homme, Romeo, est rendu « fou » par ses crimes. Adultère ? Son pire supplice est de ne pas être condamné, il subit « la liberté comme châtiment ». Ses divagations tirent sur la durée, de longues pauses entrecoupent parfois les phrases et les dialogues. La question de la vérité, centrale dans le texte, est noyée au cœur d’un travail intellectuel séparant le théâtre du sensible – alors est-ce encore du théâtre ? Où sont les personnages, les situations, les acteurs ? Est-ce un temps philosophique ? Nous n’avons pas trouvé la réponse, même après avoir vécu deux fois l’expérience à cinq ans d’intervalle.
Cette évanescence dans laquelle est plongé notre esprit pendant le spectacle est néanmoins exceptionnelle. On a le temps de penser, de regarder les autres spectateurs, prendre conscience du monde qui nous entoure – quand d’autres font le choix de dormir. Les plus curieux regardent cette prose rendue indigeste de laquelle toute narrativité a été exclue, ou bien comme dans une vidéo au ralenti, trop étendue pour qu’on en saisisse les tenants et les aboutissants. On pourrait penser que c’est une provocation, tant le travail pour créer cet objet semble intense… Mais, comme souvent chez Marie-José Malis, si une partie du public est captive, l’autre est captivée, riant et vivant l’émotion du spectacle. Peut-être faut-il trouver le bon canal émotionnel pour apprécier ce travail ? Que chacun fasse son expérience, à ses risques et périls…
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
« On ne sait comment » de Luigi Pirandello
Mise en scène de Marie-José Malis
Traduction : Michel Arnaud (éditions de l’Arche)
avec Pascal Batigne, Sylvia Etcheto, Olivier Horeau, Victor Ponomarev, Sandrine Rommel
Lumière : Jessy Ducatillon
Son : Patrick Jammes
Scénographie : Jessy Ducatillon, Marie-José Malis
Construction : Adrien Marès, Jean-Antoine Telasco
Costumes : Zig et Zag
Production : La Commune Aubervilliers / Coproduction : Théâtre de l’Archipel Scène nationale Perpignan, Théâtre la Vignette Université Paul Valéry Montpellier, Compagnie La Llevantina. Remerciements pour leur soutien et accompagnement au Théâtre Garonne Toulouse, au Forum Blanc-Mesnil et à son ancien directeur Xavier Croci, à la DRAC Languedoc-Roussillon, au Conseil Général 66, au Conseil Régional Languedoc-Roussillon
LʼArche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.
Spectacle créé le 9 février 2011 au Théâtre la Vignette, Université Paul Valéry Montpellier
Durée 3h10 (sans entracte)Théâtre de la Commune à Aubervilliers
7 Avril au 17 Avril 2016
mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, sam à 18h et dim à 16h
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !