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Boris Godounov en or massif et béton armé

A voir, Les critiques, Opéra, Paris, Toulouse

© Mirco Magliocca

Créé au Capitole de Toulouse et repris au Théâtre des Champs-Elysées, Boris Godounov mis en scène par Olivier Py passe en revue l’histoire politique de la Russie d’hier à aujourd’hui, non sans une part de dérision critique, mais surtout avec une profonde gravité.

En portant à la scène la version originelle de Boris Godounov parue en 1869 et aussitôt refusée par les théâtre impériaux, Olivier Py fait le choix d’une mouture moins monumentale car plus condensée de l’opéra pleinement concentrée sur le parcours de son personnage éponyme. Cela ne l’empêche nullement de signer une représentation fastueuse et foisonnante du chef-d’œuvre de Moussorgski, où abondent d’éloquentes images et une multiplicité de sens, et où la place est accordée à toutes les forces vives du plateau.

Sous la direction tout en finesse et en beauté d’Andris Poga, un familier du répertoire symphonique et opératique russe, sachant mettre en valeur la souplesse et la chaleur de l’orchestre auquel est ôté le moindre excès d’opulence au profit d’un jeu infiniment nuancé, et à la tête d’une distribution particulièrement homogène, la basse Biélorusse Alexander Roslavets qui remplace Matthias Goerne, se montre particulièrement convaincante. Une voix ample et puissante, d’un métal sans froideur, permet au chanteur de jamais avoir besoin de forcer. Avec sobriété et intensité, son glorieux tsar chemine vers la mort en gratifiant de beaux et saisissants éclats autant qu’il développe une profonde intériorité, pétri des tourments et du funeste pressentiment qui le rongent, A ses côtés, de solides voix masculines donnent l’épaisseur et le relief qui conviennent aux seconds rôles. L’innocent de Kristofer Lundin ouvre le spectacle comme un triste bouffon, à demi nu, drapé d’un rideau rouge ou simplement d’un crasseux jupon, Sulkhan Jaiani fait un Nikititch plein d’autorité fougueuse, Mikhail Timoshenko, est un Andreï Chtchelkalov remarquable de solennité, Airam Hernández allie douceur et ardeur dans le rôle de Grigori, Yuri Kissin amuse en moine aviné, Roberto Scandiuzzi en impose dans Pimène même avec des moyens fatigués. Moins présentes mais pas en reste, les femmes tirent aussi leur épingle du jeu. Sarah Laulan fait une généreuse et licencieuse aubergiste, Victoire Bunel prête une fraicheur et une vivacité enfantines à son Fiodor à la fois angélique et chaplinesque tandis que Lila Dufy campe une Xenia hautement dramatique. Autre protagoniste de premier plan : le chœur est superbe de ferveur dans ses implorations.

Un mélange de grandeur et d’affliction transpire des tableaux successifs qui composent l’opéra dont Olivier Py explore les atmosphères fortement contrastées. L’opposition la plus frappante est celle que forment la pompe irradiante des représentants du pouvoir arborant leurs chasubles dorées face la griserie du peuple misérable comme de son environnement austère dont l’architecture strictement bétonnée et délabrée est typique de l’héritage communiste. La légère grivoiserie d’une scène d’auberge particulièrement animée ne peut masquer l’âpreté douloureuse de ce qui se joue avant et après. La mort est omniprésente : à l’avant-scène, un simple tas de terre sur lequel est plantée une croix orthodoxe fait office de tombe pour le Tsarévitch assassiné dont le fantôme réapparait. La violence aussi s’exacerbe drastiquement contre le peuple opprimé sous la mitraille de musculeux militaires en treillis et kalachnikovs.

Aussi claire que clairvoyante, cette lecture non univoque de l’œuvre emblématique de l’opéra russe, s’offre comme une cartographie politique et humaine de la Russie éternelle. Si Olivier Py ne s’accommode jamais d’une franche transposition du livret,  il ne se prive pour autant d’incruster quelques échos explicites au régime Poutinien et à son arbitraire tyrannie. C’est par exemple de part et d’autre d’une immense table ovale blanc laqué rappelant celle qui séparait Vladimir Poutine d’Emmanuel Macron s’entretenant à distance sur le sort de l’Ukraine que devisent Boris et Chouisky. Truffée de références historiques et culturelles, la mise en scène brasse les époques et les tonalités ; le tout dans un mouvement continu et avec une grande fluidité aussi bien théâtrale que musicale, de quoi produire sur l’œuvre un éclairage pertinent pour les temps présents.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Boris Godounov de Modeste Moussorgski

Opéra en 7 tableaux
Version de 1869
Livret du compositeur d’après Alexandre Pouchkine et l’Histoire de l’État russe de Nikolaï Karamzine

Direction musicale
Andris Poga

Mise en scène
Olivier Py

Collaboration artistique
Daniel Izzo

Décors et costumes
Pierre-André Weitz

Lumières
Bertrand Killy

Boris Godounov
Alexander Roslavets

Fiodor
Victoire Bunel

Xenia
Lila Dufy

La Nourrice
Svetlana Lifar

Le Prince Vassili Chouiski
Marius Brenciu

Andreï Chtchelkalov
Mikhail Timoshenko

Pimène
Roberto Scandiuzzi

Le Faux-Dimitri/Grigori
Airam Hernández

Varlaam
Yuri Kissin

Missail
Fabien Hyon

L’Aubergiste
Sarah Laulan

L’Innocent
Kristofer Lundin

Nikititch
Sulkhan Jaiani

Mitioukha
Barnaby Rea

Orchestre national du Capitole
Chœur et Maîtrise de l’Opéra national du Capitole
Coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées (Paris)

Durée 1h50

du 24 novembre au 3 décembre 2023
Opéra national du Capitole

du 28 février au 7 mars 2024
Théâtre des Champs-Elysées (Paris)

2 mars 2024/par Christophe Candoni
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