Le prince de Hombourg de Kleist va ouvrir le 68ème Festival d’Avignon l’été prochain avec Giorgio Barberio Corsetti à la mise en scène dans la Cour d’honneur. Olivier Py a dévoilé ce matin en exclusivité pour France Inter et Sceneweb ses orientations. Premier metteur en scène à prendre les reines de ce festival, 42 ans après la disparition de son créateur, Jean Vilar, il souhaite renouer avec une vision « Vilarienne » en proposant un festival populaire, plus accessible, avec une politique tarifaire adaptée. L’émergence sera le maître mot avec un renouvellement des metteurs français et étrangers.
– Un artiste à la tête d’Avignon, cela n’a finalement pas été une évidence ses dernières années, est ce que c’est un retour à une vision « Vilarienne » du Festival ?
La vision vilarienne n’a jamais quitté le festival. Vilar avait une idée du Festival qui évoluait chaque année. Vilar nous a laissé un héritage très fort au niveau de la pensée et du théâtre populaire mais aussi une réflexion à géométrie variable. Il voulait que le Festival change toujours et qu’il change avec le monde. Ce sera cela l’enjeu.
– Quelle sera la philosophie de votre première édition ?
L’idée du théâtre populaire a toujours besoin de son aggiornamento, elle a besoin d’être mise en contact avec ce qu’il se passe dans la société. Tout d’abord les publics vieillissent alors nous avons un travail important à faire pour le métisser. Ce métissage n’est pas seulement social, il est aussi générationnel. Il y a des individus éloignés du théâtre. Il faut qu’ils sachent que le Festival d’Avignon est là pour eux. On fera notamment un travail sur la tarification, sur l’accessibilité, pour que ce festival puisse se revendiquer du théâtre populaire.
– Cela veut dire des places moins chères ?
Cela veut dire des tarifs réduits, des abonnements, cela ne veut pas dire forcément changer tous les tarifs et créer plus d’accessibilité et tout cela pour des œuvres qui vont changer le festival. Ce n’est pas moi qui vais changer le festival. Ce sont les artistes qui vont le faire. Ils vont nous parler du monde. Ce ne sais pas si le théâtre change le monde mais la course du monde change le théâtre et les questions qui nous sont posées aujourd’hui ne sont pas celles d’autre fois.
– Que signifie aujourd’hui faire un festival populaire ?
Cela signifie toujours avoir la plus grande exigence artistique. Cela signifie d’être en contact avec l’émergence, avec des continents et des artistes qui ne sont jamais venus au Festival. C’est-à-dire être plus universel et plus ouvert sur le monde. Cela signifie faire un travail avec l’éducation nationale, avec cet outil qu’est le FabricA qui est un outil de répétition mais aussi de médiation avec les quartiers. Cet outil va changer le festival et lui permettre de résonner dans l’année. Il nous reste une décentralisation de trois kilomètres à effectuer vers ces quartiers qui vivent dans un autre monde que le notre.
– Comment souhaitez vous élargir le public, pour ce public qui n’arrive pas à franchir la barre du Festival ?
Oui, il faut faire attention de ne pas focaliser uniquement sur les quartiers. Il y a du non public partout y compris chez les inclus. Il faut faire le travail humblement de communication, de parole, de rencontres, de réseaux, de médiation. Ce sont aussi les artistes qui vont le faire
– Allez-vous améliorer le confort des spectateurs ?
Je ne pense pas qu’il y aura des fauteuils en velours rouge dans toutes les salles ! C’est tout à fait anti vilarien qui voulait rompre avec la logique bourgeoise. Il est possible que les bancs soient toujours un petit peu durs ! Que les nuits soient longues. Mais ce qui est plus important que le confort c’est qu’ils vont trouver une nourriture intellectuelle, spirituelle et politique. Chaque été il y a la concentration qui questions posées à la société pendant l’année en France et à travers le monde. Il faut que la parole politique soit entendue.
– C’est un Festival dont le taux de remplissage avoisine selon les années 95 à 98%. Ce qui ne veut pas dire grande chose, car finalement combien de spectateurs uniques assistent au Festival ?
Ca je ne le sais pas exactement, j’attends les prochaines études. Je sais qu’il faut tenter d’élargir les jauges, d’élargir un peu le temps du festival. En jouant les spectacles un peu plus longtemps et avec un peu moins de spectacles, on va pouvoir ouvrir un peu plus sur d’autres spectateurs. Cela fait tout le sens de notre action.
– Donc cet été le Festival va durer plus longtemps ?
Oui, de trois ou quatre jours en plus, selon les dates de vacances de l’éducation nationale. Il commencera presque le jour de la fin des classes. A priori ce sera du 4 au 27 juillet ou 28 juillet.
– Vous ne déborderez pas sur août ?
Non ce n’est pas possible. C’est un mythe de penser que le festival a été plus long. Dans les années 80 il a été programmé plus tard et débordait sur août, mais il a toujours duré quatre week-end.
– Vos prédécesseurs vous ont légué un très bel outil, la FabricA qui est une salle de répétition dans le quartier Monclar, et qui est censé être utilisée toute l’année. Avez-vous de l’argent pour la faire fonctionner ?
Comme j’ai beaucoup dit cet été que je n’avais pas les moyens, j’ai obtenu une réponse de l’Etat de la Ville. On aura les moyens de la faire fonctionner. Ce ne sera pas une coquille vide. Il y a aura des ateliers, des spectacles pour enfants et avec la FabricA on pourra déborder au-delà de juillet.
– Allez-vous mettre en scène cet été ?
Oui ce sera le cas chaque été. Quel serait l’intérêt d’avoir un directeur artiste s’il n’était plus artiste ! Ce ne sera pas dans la Cour cette année car je n’ai pas le projet pour. Mais je ne sais pas encore où. Je vais répéter à la FabricA. Et donc je ferai dans l’année un travail de rencontres et d’atelier. Je suis en train d’écrire le texte. Ce sera une comédie poltique. J’ai besoin de rigoler. Ce sera la suite des « Illusions comiques » qui était une comédie et qui me permettait de parler des rapports entre l’Art et la politique.
– A côté du Festival d’Avignon, il y a le Off. 1250 spectacles cette année. Vous y avez joué plusieurs fois, dont cette année. Allez-vous rapprocher du Off ?
Je n’ai jamais pensé qu’il devait y avoir une guerre entre le In et le Off parce que ce sont les artistes qui font le lien et il y a beaucoup de théâtre public dans le Off donc il y a une solidarité à établir de tout le théâtre public. On pourra essayer de donner quelques propositions au public et cela se fera par les rencontres avec les artistes. Il y aura plus de perméabilité entre le In et le Off.
– Souhaitez-vous que les dates coïncidents ?
Je le souhaite et l’ensemble du Off le souhaite aussi. Ce n’est pas si simple car il y a des logiques de calendrier. L’important est qu’il y ait une bonne entente.
– Pour vous il n’y a pas deux festivals ?
Pour moi il y a le Festival d’Avignon et puis il y a cette grande folie du Off autour de lui, des Off j’ai envie de dire.
– Quels sont les artistes qui vont vous accompagner ?
Sur l’international il y avait un projet initié à l’Odéon avec des fonds européens – le projet citizen stage. On pourra le poursuivre pendant deux ans à Avignon. Il y aura notamment Emma Dante qui n’est jamais venue au Festival et Giorgio Barberio Corsetti ouvrira le Festival dans la Cour d’honneur avec le Prince de Hombourg de Kleist.
– Des jeunes metteurs en scène aussi ?
Oui c’est très important. L’axe de ce festival sera l’émergence. On en a un besoin vital. J’aimerai qu’il n’y a ait que 20 ou 30% d’artistes déjà venus au Festival, comme le belge Fabrice Murgia.
– En 1964, le Festival a pris un virage en devenant un lieu de débat, notamment avec les fameux débats au verger. Souhaitez-vous qu’Avignon soit un lieu de débats ?
Il faut retrouver l’esprit du verger. Il faut créer un lieu de débat, de la pensée et du questionnement artistique. Nous avons besoin des penseurs comme nous avons besoin des poètes. C’est un vrai vecteur de lieu avec le public populaire, les disparus comme les vivants. Il y a un réel besoin de parole poétique. Donc on écoutera Kleist, Hölderlin, et des poètes grecs vivants dont nous proposerons un focus.
– Vous allez être observé. Etes-vous prêt à la critique ?
Oh là là j’ai l’habitude. Cela fait vingt-cinq ans que je subi toutes sortes de critiques. C’est la loi du genre.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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