Ô vous frères humains fut publié en 1972 alors qu’Albert Cohen atteint l’âge de 77 ans. Il y confie un souvenir qui le hanta toute sa vie : un enfant de dix ans découvre, un jour du mois d’août, la haine et le rejet dans les paroles et le regard d’un camelot, occupé à vendre dans une rue de Marseille, des bâtons de détacheur : cet enfant juif, c’était lui…
Encore une histoire juive me direz-vous ?
Bien sûr, on aurait pu y mettre les formes et habilement détourner le propos dans une vague causerie aux accents humanistes ; ou bien encore s’enferrer, s’enfermer dans la défense d’un judaïsme radical. Pas d’orthodoxie en la matière : la parole d’Albert Cohen, la lucidité extrême de la vision, cette sale histoire prennent valeur d’exemple pour chacun d’entre nous. Car nous ne dénoncerons jamais assez, quelles que soient l’origine ou la conviction, l’intolérance qui exclut à priori l’autre, l’indifférence qui empêche le regard, l’écoute, la mise en curiosité et qui banalise l’atroce au quotidien. Cet enfant, c’est l’étranger qui parle et respire « pour avoir le droit de rester, pour en être, pour participer à la merveilleuse communication, pour aimer et être aimé ».
Trois acteurs, « hurluberlus grandioses », éperdus d’amour et de désir, témoignent de cette toujours brûlante actualité : trois êtres, trois pays, à jamais bercés ou secoués mais imprégnés par la même culture française. Ces « étrangers d’ici » apportent par leur origine et leur différence, par leur présence et leur voix, leur âme aussi, la dimension universelle,d’ailleurs inhérente au récit, sans apitoiement, sans lamentation.
Confidence de l’enfant ou de l’adulte qui, un jour, « l’âme matraquée » a ressenti cette peur du rejet, a vu la haine dans les yeux de l’autre et s’est découvert « maudit d’étrangeté » dans un pays adopté et aimé.
Ni plaidoyer, ni manifeste, ni acte militant pour ce trio facétieux et cosmopolite, encore moins de morale : seulement l’urgence à dénicher un morceau de bonheur, l’insistance à dire, l’acharnement à être, dans une constante jubilation de jeu : « laissez-nous être heureux » semblent-ils nous confier!
La gravité du propos ne peut empêcher ni l’omniprésence de l’énergie ni la rassénérante distance qui permettent l’humour, l’ironie, le rire et la satire féroce d’un monde englué dans l’illusoire amour du prochain. De cette humaine rencontre, de cette humaine condition, je retiendrai le rayonnement des visages, le pétillement des yeux, le sourire au coin des lèvres, le scintillement et le jaillissement têtus de la vie. Note d’intention d’Alain Timar.
Ô vous frères humains
Albert Cohen
Mise en scène, scénographie Alain Timár
Avec Paul Camus, Gilbert Laumord, Issam Rachyq-Ahrad
Adaptation Danielle Paume
Assitante mise en scène So-Hee Han
Bande son Catherine Maulet
Régie lumière et son Laurent Pierre
Technique Éric Gil
Décors et costumes TDH, Éric Gil et Laurent Pierre
Administration générale Laurette Paume
Relations publiques Aurélie Clément
Production : Théâtre des Halles
Avec l’aide : du Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC PACA), du Conseil Régional PACA, du Conseil Général de Vaucluse, de la Ville d’Avignon.
Durée estimée : 1h30
Avignon Off 2014
du 5 au 27 juillet
(relâche le 16)16h – salle du Chapitre
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