Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

L’ultra-sensible « Déclaration d’amour de Louis Hee »

À la une, Avignon, Best Off, Théâtre
La déclaration d'amour de Louis Hee à John Ah-Oui de Nicolas Barry
La déclaration d'amour de Louis Hee à John Ah-Oui de Nicolas Barry

Photo Vincent Bouquet

Seul en scène, l’auteur, chorégraphe et comédien Nicolas Barry adapte les codes du lyrisme romantique aux amours LGBTQIA+ et se fait l’émouvant porte-voix de tous les prétendants déçus.

Louis Hee avait tout préparé. Chemise blanche maladroitement repassée, pantalon noir un peu trop bouffant, chaussures de ville aux lignes grossières, le jeune homme a l’allure d’un adolescent aux portes de son premier bal, de ceux où l’espoir d’une amourette naissante s’invite si souvent. Après s’être aspergé d’un parfum qu’on imagine bon marché, Louis s’avance, le pas mal assuré, engoncé dans son propre corps dont il ne sait que faire. Planté face au public qui l’observe sous les platanes du Jardin de l’Ancien Carmel d’Avignon, occupé par le Théâtre du Train Bleu, il tâtonne, hésite, ne sait pas franchement comment il doit se tenir, si son bras gauche, devenu embarrassant, doit rester ballant ou posé sur sa hanche, tandis que sa main droite fouille dans l’une de ses poches, désespérément. Déjà mal à l’aise, le jeune homme est pris d’un léger vertige, qu’il est possible de deviner dans son regard, lorsqu’il s’aperçoit qu’il lui manque un papier, cette feuille volante sur laquelle il avait griffonné les mots qu’il souhaitait adresser à John, cet homme dont le nom lui échappe si souvent. Là où d’autres auraient rebroussé chemin, Louis a le courage de continuer, comme si, désormais campé au pied du mur, au bord de la falaise de l’aveu, il n’avait pas d’autres choix. Promettant de « faire court » – un peu trop, sans doute –, il se lance : « Tu le sais ça que / Que je te trouve très beau je te l’ai dit […] Et que depuis la première fois / Tout de suite je me suis dit / Oh putain / Ça c’est un beau visage ».

La déclaration d’amour de Louis Hee à John Ah-Oui commence ainsi, par cette fracture de l’espace-temps, par ce coup de foudre qui fait si soudainement rugir le tonnerre et chanceler sur ses bases, par cette dégringolade dans les affres du désir, qui donne tout son relief à la locution « tomber amoureux ». Autour de Louis, la marche du monde ne tarde d’ailleurs pas à se suspendre – « Le centre commercial où nous étions / A fermé ses portes exceptionnellement / […] Les lumières se sont éteintes / Les lumières se sont rallumées / Ni moi ni personne ne savait exactement comment réagir / Comment se positionner / Il n’y avait pas d’instructions » – jusqu’à laisser toute la place à ses tremblements intérieurs. Dans les mots qu’il adresse à l’être aimé, se dessine bientôt son reflet, celui d’un homme qui en adore un autre autant qu’il se déteste, avec bien peu d’estime pour lui-même – « Et pourtant tu es fort et tu aurais pu / […] me faire l’amour avec la force brutale des gens / Qui me baisent et ne respectent rien » –, en lutte avec son physique – « j’aurais TRÈS BIEN compris /  Que tu préfères regarder ailleurs / Tout sauf mon visage bizarre / Et gênant et pas moche mais désagréable » – et avec les démons d’un passé qui ne lui a, semble-t-il, rien épargné – « Je te regarde et je pense / On dirait que personne / Ne l’a jamais frappé par surprise / Par derrière / Donné de coup derrière les genoux pour qu’ils fléchissent / De claque derrière la tête en passant ».

Et c’est là que ce seul en scène entièrement écrit, conçu et interprété par Nicolas Barry fait mouche, dans sa façon de s’emparer des figures imposées par le lyrisme propre au style romantique pour mieux les vider de leurs attributs hétérocentrés et les façonner à la mode LGBTQIA+, afin que toutes et tous puissent enfin s’y reconnaître, y compris dans ses particularismes les plus sombres – de la haine de soi à l’homophobie subie. Auteur dramatique et chorégraphe woke, comme il se définit lui-même, le jeune artiste bouleverse grâce à une présence au plateau emplie de doutes, de stupeur, d’hésitations, de secousses, à l’image de Louis Hee qu’il incarne, et qui devient le porte-voix de tous les amoureux repoussés et de toutes les amoureuses éconduites. À l’avenant, il étonne par la précision de son écriture, par le déploiement de cette langue aux atours poétiques qui hésite, trébuche, se reprend, comme si elle était calcinée par ce désir ardent qui, en même temps qu’il est moteur, consume tout sur son passage, à commencer par les êtres. Mue par une urgence vitale à dire, pour mieux se délivrer, émaillée par des pointes d’humour touchantes de maladresse, cette Déclaration d’amour, où passé et présent, espoir et renoncement, se conjuguent et se confondent, parvient à toucher au coeur par l’effet miroir qu’elle déploie et déplie, jusque dans cette scène de crime où les larmes ont remplacé le sang. Preuve s’il en fallait une que, comme l’ont déjà chanté moult et moult chansonniers, on peut encore et toujours mourir d’aimer.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

La déclaration d’amour de Louis Hee à John Ah-Oui
Texte, mise en scène et interprétation Nicolas Barry

Production Ensemble Facture
Coproduction Collectif STP
Avec le soutien de La Chartreuse — CNES Le Jamais Lu

La compagnie Ensemble Facture est implantée en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Durée : 45 minutes

Théâtre du Train Bleu, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 6 au 24 juillet 2025, les jours pairs, à 18h15

16 juillet 2025/par Vincent Bouquet
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Le rêve de voler de Nicolas Barry
Grand Crié de Nicolas Barry
La demande d’asile de Nicolas Barry
ET APRÈS ON S’AIME. de Marine Mane
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut