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Requiem pour un paysan disparu

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Photo Le Désordre des Choses

Avec Neuf mouvements pour une cavale, la compagnie Le Désordre des Choses transforme un dramatique fait divers rural en uppercut politique. Un seul en scène puissant porté par le jeu de la comédienne Fleur Sulmont.

Les paysans ne courent pas les scènes. Dans le grand bal des oubliés du théâtre contemporain, le thème de la ruralité occupe une place de choix, à l’image, diront certains, de celle, infime, que lui accorde la société. Dans ce contexte, s’intéresser au monde rural – comme avait pu le faire Julien Gosselin dans Le Père d’après L’Homme incertain de Stéphanie Chaillou – était déjà un signal fort envoyé par la jeune compagnie Le Désordre des Choses. Se saisir d’un dramatique fait divers, survenu il y a plus de deux ans, pour le transformer en uppercut politique en est un autre.

En neuf mouvements, Guillaume Cayet retrace l’itinéraire de Jérôme Laronze, un paysan de Saône-et-Loire, tué par un gendarme le 20 mai 2017, à l’aide de six balles dont trois mortelles. Son crime ? Avoir voulu faire de l’agriculture autrement, ne pas s’être conformé aux normes européennes qui imposent aux éleveurs de tracer leurs bêtes à l’aide de puces RFID. Pour le convaincre, on lui a d’abord dit que c’était le sens du progrès, qu’il y gagnerait. Et puis, les services vétérinaires ont durci le ton. Ils lui ont fait comprendre qu’il n’avait pas le choix, que le retour à la paysannerie n’était pas une option, qu’il devait se conformer à la règle et mettre son troupeau de Limousines au pas. Une sorte de « marche ou crève » à la mode rurale.

Pourtant, lui n’a pas plié, mais les menaces et les visites répétées, notamment celles qui tournent mal, l’ont rongé de l’intérieur. Il a bien hésité, un jour, à se sacrifier, à se suicider devant le bureau de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations), avant de renoncer. Son drame, qui s’est terminé en cavale mortelle, avec un homme abattu, de dos, au volant de sa voiture, simplement parce qu’il ne voulait pas tuer ses « vaches clandestines » et avait pris la fuite lors d’un contrôle sanitaire, est celui de nombre d’agriculteurs qui se meurent. Qu’ils se conforment à l’agriculture conventionnelle ou tentent de choisir une voie alternative, comme l’expriment les voix off des paysan.ne.s de la Limagne.

Pour raconter son histoire, Guillaume Cayet a construit, dans son texte, un personnage autour de sa sœur, Marie-Pierre, qui se bat, aujourd’hui encore, au sein du collectif Justice et Vérité pour Jérôme Laronze, afin que ce meurtre soit reconnu comme une violence policière. Il en va de l’honneur de son frère. Ses mots, durs, crus, sans concession, ni pathos, sont ceux d’une Antigone moderne qui veut offrir une sépulture à son Polynice de frère, « géant » de la terre, qui n’a pas voulu plier face au Créon des normes. Son récit, très écrit, à la langue travaillée, est une tragédie, antique et contemporaine à la fois, et surtout un cri d’alarme qui dit la souffrance d’une bonne partie du monde paysan, dévitalisé à force d’être sous-payé et si peu considéré.

Tout en sobriété et dépouillement, la mise en scène d’Aurélia Lüscher cultive un rapport direct à ce texte, projeté par la comédienne Fleur Sulmont. Seule en scène, simplement épaulée par quelques fragments vidéos, elle a un jeu terrien qui semble trouver sa puissance dans d’étranges forces telluriques. Yeux dans les yeux avec le public, installé dans la salle éclairée, elle fait du récit tragique une dénonciation globale qui, du consommateur au politique, offre sa part de responsabilité à chacun. Sans être moralisatrice, la performance, radicale, presque raide, est de celles, rares, qui sont capables d’éveiller les consciences, voire d’en bouleverser certaines. Histoire de prouver à Jérôme Laronze que son drame, qu’il aurait sans doute vu comme une anecdote, n’en est pas franchement une.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Neuf mouvements pour une cavale
Écriture Guillaume Cayet
Mise en scène Aurélia Lüscher
Avec
Fleur Sulmont
Voix off Claude Thébert / Paysan.ne.s de la Limagne
Scénographie Guillemine Burin-des-Roziers
Lumières et régie générale Juliette Romens
Vidéo et son Antoine Briot
Regard paysan Jean-Paul Onzon

Production Le Désordre des Choses
C
o-production Théâtre des Îlets, Centre Dramatique National de Montluçon / Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale
S
outiens DRAC – Auvergne Rhône Alpes, région Auvergne Rhône Alpes, département Puy-de-Dôme, Théâtre Ouvert, Centre National des Dramaturgies Contemporaines, Jeune Théâtre National
Le texte est lauréat de l’Aide à la création de textes dramatiques – ARTCENA
Il est publié aux éditions Théâtrales en janvier 2020

Durée : 1h15

Théâtre de la Cité Internationale, Paris
du 3 au 9 décembre 2019

Comédie de Valence, Centre Dramatique National Drôme Ardèche, Hors Les Murs
du 12 au 19 décembre 2019 et du 8 au 23 janvier 2020

4 décembre 2019/par Vincent Bouquet
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