Malgré la performance des quatre comédiennes masquées, la création collective dirigée par Esther Van Den Driessche ne dépasse jamais le stade de l’atelier théâtral sous emprise psychanalytique.
Les performances masquées sont suffisamment rares sur les scènes théâtrales pour, en elles-mêmes, être soulignées. Plus complexe qu’il n’y paraît, la découverte de l’art de ce jeu si particulier – auquel elle a été initiée par Igor Mendjisky – fut, pour Esther Van Den Driessche, un vrai tournant dans son parcours d’apprentissage. « Lorsque l’on travaille le masque pour la première fois, on fait une “naissance” à proprement parler. C’est-à-dire que l’on fait “naître” un personnage totalement sorti de nous, mais qui n’est pas nous. On lui cherche une voix, un corps, un nom, une histoire, des caractéristiques, de la même manière qu’un sculpteur pétrirait sa glaise pour en sortir une figure, nous modelons et façonnons notre être afin de construire un “autre nous-même” », assure-t-elle dans sa note d’intention. Cette philosophie, la jeune metteuse en scène l’a scrupuleusement filée dans Naissance(s) où quatre comédiennes s’adonnent à cette performance bluffante.
Ce n’est d’ailleurs qu’une fois leur masque respectif ôté, à la toute fin du spectacle, que se dessinent les contours de la prouesse scénique qu’elles viennent d’accomplir. Dans leur voix, leur gestuelle, leur attitude, Inès de Broissia, Florine Delobel, Mathilde Levesque et Esther Van Den Driessche sont comme possédées, méconnaissables. Souvent drôles, parfois touchantes, elles campent chacune une femme au caractère bien trempé – bien qu’un brin caricatural – de la bourgeoise pétrie de valeurs chrétiennes à la vieille hippie un peu poète. Fondamentalement opposées, elles sont, en réalité, les différentes facettes d’une même personne, Ada (Estelle Vincent), qui, en les interrogeant, se découvre elle-même. Aux prises avec un accouchement difficile, qui la plonge dans une réalité parallèle, la jeune thérapeute se retrouve seule face à ses démons amicaux.
Dans son principe, ce geste aurait pu être fertile. Las, il ne dépasse jamais le stade de l’atelier théâtral qui ne déboucherait sur rien d’autre qu’un assemblage de morceaux d’improvisation mis à la suite les uns des autres. Fragilisé par ce procédé systématique, le texte, d’une grande faiblesse, n’est jamais à la hauteur du talent des comédiennes et se complaît dans un magma naïf et confus qui enfile les poncifs éculés. Psychanalytique jusqu’au bout des virgules, il n’engendre qu’un discours très autocentré, où la future mère doit se libérer de ses blessures passées avant de donner naissance à son enfant. Même masqué, le théâtre s’égare souvent lorsqu’il met ses comédiens, et son public, sur un divan.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Naissance(s)
Création collective dirigée par Esther Van Den Driessche
Collaboration artistique Igor Mendjisky
Collectif Femme Totem
Avec Inès de Broissia, Florine Delobel, Mathilde Levesque, Esther Van Den Driessche et Estelle Vincent ; Comédien en vidéo Clément Aubert
Scénographie et conception designer Piergil Fourquié
Création masques Etienne Champion
Création lumières Stéphane DeschampsProduction Collectif Femme Totem et À tes Souhaits Productions, avec le soutien du Théâtre 13 / Paris.
Remerciements Théâtre de la TempêteDurée : 1h10
Théâtre 13/Jardin, Paris
Du 4 au 21 avril
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