Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie-Française s’attaque à l’une des pièces les plus célèbres de Jean Racine, des vers magnifiques racontant l’histoire d’Andromaque prisonnière de Pyrrhus dans une ville de Troie anéantie. Les personnages sont détruits et cherchent le refuge dans l’amour. « Tous les personnages ici sont traumatisés et ne peuvent rien y changer, explique Muriel Mayette. Une cascade de ratages, dérapages, trahisons. Ce sont des fauves dans un lieu de hasard qui tournent en rond et parfois l’un d’entre eux rugit ».
Dans un espace blanc, garni de longues colonnes grecques, devant un mur d’enceinte dessiné par Yves Bernard, les personnages se déplacent lentement, le poids de la guerre sur les épaules. L’esthétique est sobre. Des voilages au vent viendront remplacer le mur d’enceinte dans la deuxième partie. Le tout malheureusement dans une atmosphère pesante avec une musique omniprésente d’Arthus Besson. « Un rythme intérieur » selon Muriel Mayette. Mais le déchirement de tous ces personnages ne se fait pas suffisamment sentir. Les larmes et les cris du cœur ne se sont pas entendre.
Dans cet excès de sobriété les comédiens ressemblent à de belles statues grecques, souvent ils disparaissent derrière les colonnades. Léonie Simaga en Hermione trouve ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle est sincère et touchante. Eric Ruf en Pyrrhus est sobre, pas suffisant victorieux. Et Clément Hervieu-Léger en Oreste, clef de voute de la pièce joue sur le registre de la fragilité, là où il devrait montrer plus de force. Cécile Brune tient son rang dans le rôle titre, tandis qu’Aurélien Recoing fait sa première apparition en tant que pensionnaire de la Comédie-Française. Il nous tarde de la voir distribuer dans un rôle à la dimension de son talent.
Le public traditionnel du Français y trouvera son compte avec cette version. Le public plus jeune qui met pour la première fois les pieds dans l’institution risque bien de ne plus y revenir, échaudé par tant de froideur. Cet été la troupe jouera dans le théâtre antique d’Orange. Le cadre devrait mieux se prêter à cette mise en scène.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Andromaque
Tragédie en cinq actes de Jean Racine
mise en scène de Muriel Mayette
Avec Cécile Brune, Andromaque, veuve d’Hector, captive de Pyrrhus
Éric Ruf, Pyrrhus, fils d’Achille, roi d’Épire
Céline Samie, Céphise, confidente d’Andromaque
Léonie Simaga, Hermione, fille d’Hélène, accordée avec Pyrrhus
Clément Hervieu-Léger, Oreste, fils d’Agamemnon
Stéphane Varupenne, Pylade, ami d’Oreste
Suliane Brahim, Cléone, confidente d’Hermione (en alternance)
Aurélien Recoing, Phoenix, gouverneur d’Achille, et ensuite de Pyrrhus
Julie-Marie Parmentier, Cléone, confidente d’Hermione (en alternance)
Scénographie et lumières, Yves Bernard
Costumes, Virginie Merlin
Musique, Arthur Besson
Dramaturgie, Laurent Muhleisen
Assistante à la mise en scène, Josepha Micard
Assistant à la scénographie, Michel Rose
Nouvelle mise en scène
Avec le soutien d’Air France
Durée: 2h
Représentations Salle Richelieu, matinée à 14h, soirées à 20h30. Prix des places de 5 € à 37 €.
je suis étonnée par votre article, je suis allée hier au Français et j’ai été bouleversée.Vous parlez de froideur ? c’est de l’intensité .Pas besoin de gesticulation, d’éclats de voix pour exprimer des sentiments .Les comédiens ne sont pas froids mais sobres, intenses,vibrants.Pyrrus est un vainqueur douloureux, Andromaque a laissé sa vie derrière elle,elle est entièrement retirée en elle même.Il n’y a qu’à écouter, regarder, imaginer,et la musique accompagne parfaitement la démarche du spectateur.
Non, tout le monde peut se laisser prendre par la beauté et l’exigence de ce spectacle, même » les jeunes « .
Entièrement d’accord avec thomasset… pour avoir vu plusieurs fois cette pièce dans diverses mises en scènes, toutes tentant, et sans y parvenir, de » ré-actualiser » – selon l’expression consacrée et galvaudée- ce chef d’oeuvre de Racine… J’ai véritablement été, cette fois, emballée par cette simplicité, cette sobriété, et surtout cette humilité des interprêtes tous en osmose pour servir l’immense poête dramaturge!… Les protagonistes de cet « octuor » d’après guerre, d’après sang, d’après larmes… cette tragédie de « l’irréparable » ainsi que l’écrivait A Vitez sont magnifiquement au diapason d’une souffrance qui se conjugue différemment selon qu’ils sont encore » esclaves de leurs passions ( Hermione, Oreste, Purrhus…) ou qu’ils ne le sont plus…. telle cette Andromaque, paradoxalement l’esclave MAIS la plus libre!… Puisque, hors sauver son fils, et à travers lui préserver la mémoire de son peuple, plus rien ne la rattache à la vie!… En ce sens, C Brune est particulièrement remarquable dans ce qu’il est dit d’Andromaque: » incapable toujours d’aimer et de haïr…sans joie et sans douleur elle semble obeir… » loin d’être dans la déclamation, ou la grandiloquence, elle parvient dans sa douleur contenue à ÊTRE plutôt qu’à jouer l’héroïne!…. mais ses partenaires, confidents y compris, ne sont pas en reste…. Et tout ici, à part, peut-être parfois une musique un peu trop présente… Contribue à nous faire passer une merveilleuse soirée….
»Excès de sobriété », résume votre critique… Pauvre Klaus M. Gruber… il doit se retourner dans sa tombe, lui qui réclamait pour Bérénice toujours moins de bruit et moins de mouvement. Si ce n’est pas dans la tragédie qu’on doit user de la litote, où va-t-on le faire ?
Le spectacle est vraiment prenant et beau à voir, sans rien qui pèse (magnifiques costumes, qui font flotter les comédiens au-dessus du sol au moindre geste, au moindre souffle) – et on entend merveilleusement le texte.
Distribution de haut niveau, jusqu’aux rôles de confidents, tous d’une extrême intensité. On croit à la douleur, au trouble qui émanent de Cécile Brune, Eric Ruf, Clément Hervieu-Léger en particulier. Sur la question de la sobriété, ENCORE PLUS ne nuirait pas, du côté de la musique par exemple, qui fait parfois pléonasme. Infime détail dans une soirée qui coule d’un souffle – haletant et retenu à la fois.
QUELLE MERDE CE SPECTACLE ! ON S’ENNUIE A MOURIR ! PAUVRE RACINE L’ELOCUTION EST INFAME,LE TEXTE EST AVALE, ET CES GUEUX QUI SE PRENNENT POUR DES ACTEURS N’ONT RIEN A FAIRE ICI !voilà 10 ans que j’ai renoncé à la Comédie Française,car le nom seul subsiste et l’âme n’existe plus! je n’y mettrai plus les pieds,de peur de me salir ,mais avec bonheur j’irai entendre JACQUES WEBER, et le réentendre car,lui, c’est un acteur ,et quel acteur ! Lui seul peut prétendre à la Comédie Française, celle d’hiers, la VRAIE ! Avec lui,on ne s’ennuie pas, on rit et puis on pleure et on est sous le charme, on est enchanté !
Décevante retransmission, hier, à la télé, d’Andromaque.
Ton emprunté, volonté affirmée (et non « naturelle ») de « grandeur », diction généralement affectée, fausse sobriété. Bref, un spectacle qui n’est pas habité, mais « bon chic, bon genre ».
Les acteurs sont talentueux, pourtant, là n’est pas la question. C’est un parti-pris de – fausse – simplicité, de fausse émotion qui paralyse le spectacle. Rien ne se passe et tout s’enchaîne… On attend l’incident!
Andromaque est incroyablement conventionnelle et chichiteuse (le talent de l’actrice n’est pourtant pas en jeu), Oreste a l’air d’un petit gamin égaré… que l’on verrait plus amoureux de Pylade que d’Hermione. Hermione dégage, elle, une incontestable vérité… Pyrrhus est assez convaincant, mais il reste en deçà de son personnage. Le spectacle est empâté, dépourvu de point de vue.
C’est Barthes qui se posait la question de savoir s’il ne vaut pas mieux lire Racine que de le voir. A découvrir un tel spectacle (pourtant pas vraiment médiocre), c’est ce qu’on se dit: cette mise en scène (ou plutôt en voix) fait écran à la lumineuse signification de la pièce. Evidemment Racine est très difficile à jouer et mettre en scène, mais les Comédiens Français ne sont pas n’importe qui, que diable!