Cinq jeunes femmes, féministes et fières de l’être, se retrouvent enfermées le soir dans un jardin public sans moyen de communication. Cette nuit blanche va très vite se transformer en un parcours initiatique mouvementé.
Au sortir de ma formation à l’Ecole Claude Mathieu, je me suis demandé quel théâtre je voulais faire, et surtout : ce qu’il fallait faire. D’autant plus dans un monde en crise. J’ai choisi le féminisme comme thème pour cette première création. Nous sommes alarmées.
Je suis alarmée. Les chiffres, la mode, les regards, les réflexions, les automatismes, les clichés, les idées reçues, l’éducation des uns et des autres, les soi-disant « faits scientifiques», le grand mystère de l’instinct maternel, tout cet amas de bêtises dont on est encore et toujours assailli ici en France au XXIe siècle. Et encore, aujourd’hui en France au XXIe siècle lorsque je dis ce que je pense, lorsque je dis ce en quoi je crois, ce pour quoi je veux me battre, ce contre quoi je me dresse, lorsque je dis tout ça, au XXIe siècle en France, pays des droits de l’humain, on me dit encore :
« T’exagères, on a vachement progressé quand même, ça a vachement changé. Vous êtes «bien loties», comparé au Moyen-Orient ! Va voir en Inde tu verras si t’as pas de la chance »
Merci ? C’est ça que je devrais dire ? Alors merci. C’est vrai, j’ai le droit de me marier ou pas. J’ai le droit d’être homosexuelle si je veux, j’ai le droit d’avoir un compte en banque si je veux, j’ai le droit de ne pas avoir d’enfant si je veux, j’ai le droit de vivre où je veux avec qui je veux, je peux être maçonne, strip-teaseuse ou présidente de la République si je veux. Merci.
Alors pourquoi ne suis-je toujours pas contente ? Peut-être parce que je suis mal-baisée, ou frustrée, ou aigrie, ou les trois. Peut-être que j’aime ça, finalement, ne jamais être contente. Peut-être aussi que j’en ai assez d’entendre toutes les histoires glauques de mes copines qui, en pas plus de vingt-deux
ans, ont toutes subi au moins un regard déplacé, une insulte, une caresse non désirée, un viol.
Je commence à en avoir assez d’entendre ma voisine bleutée m’expliquer, dans la cage d’escalier, qu’elle a, pour la quatrième fois de la semaine, glissé sur son sol carrelé : Madame, pour la quatrième fois, portez plainte contre ce sol carrelé ! J’en ai un peu assez d’entendre dans le bar dans lequel je travaille que la dame sur le trottoir d’en face ne doit pas coûter bien cher « vu sa tronche » et qu’une femme de pouvoir doit être « un sacré tyran » pour en être là aujourd’hui. J’en ai assez d’avoir honte parce que je couche trop ou pas assez. J’en ai assez de me demander si je suis assez jolie pour faire tel métier ou si je suis assez intelligente pour en faire tel autre. J’en ai assez d’avoir peur.
Peur de ne pas plaire, de ne pas avoir de place, d’être trop vue ou pas assez entendue.
J’ai peur de rentrer chez moi seule le soir et sachez que ce n’est pas normal.
J’en ai assez de ne rien connaître à la mécanique, de m’enthousiasmer lorsque je découvre que je sais monter une tente et de demander de l’aide à mon colocataire dès qu’une opération de manutention logique doit être réalisée chez nous. J’en ai assez d’entendre que « j’intimide» les garçons parce que je suis « très indépendante ». J’en ai assez de voir que ma mère et ses copines ne retrouveront jamais de travail parce qu’elles ont passé cinquante ans alors que mon père et ses copains seront promus parce qu’ils ont passé cinquante ans.
J’en ai assez de voir des mamans devant les écoles primaires pendant que les hommes sont devant, partout ailleurs.
J’aimerais pouvoir prendre un homme sur ma grosse moto sans qu’il se fasse traiter de grosse pédale, j’aimerais pouvoir l’inviter au restaurant, j’aimerais pouvoir le défendre contre un gros brigand si lui ne s’en sent pas capable. Et encore, je ne parle pas des Indiennes violées, des Chinoises sacrifiées, des Saoudiennes lapidées, des Nigérianes enlevées, des Maliennes excisées, des Ukrainiennes prostituées. Alors en quoi devrais-je avoir honte d’être féministe ?
Extrait de la note d’intention de Gabrielle Chalmont
MON OLYMPE
De Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre NalbandianMise en scène Gabrielle Chalmont
Avec Claire Bouanich, Sarah Coulaud, Louise Fafa, Maud Martel, Jeanne Ruff
Création lumière Guillaume Fournier
Création sonore Stéphane Bélijar
Diffusion/administration Clémence Martens, Histoire de…
Production Compagnie Les mille Printemps
Soutiens Causette, Les Effrontées, Cheek Magazine, Madmoizelle, Mairie de Paris, Paris Anim’,
Théâtre de l’Opprimé, Région Nouvelle AquitaineJEUDI 6 > SAMEDI 29 FÉVRIER 2019
Du mercredi au samedi à 21h15
AU THÉÂTRE DE BELLEVILLE
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