Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie, de Mohamed Kacimi a été programmée du 6 au 11 juillet à la Patinoire de la Manufacture à Avignon dans le Off. Elle a suscité de vives réactions d’associations et de proches des victimes. Le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) envisage de déposer plainte.
La pièce de Mohamed Kacimi se fonde sur la retranscription des derniers échanges entre les policiers et le tueur Mohamed Merah, durant le siège de son appartement le 22 mars 2012. Ces verbatim avaient été publiés à l’époque par Libération, sans que personne ne s’en émeuve. Il s’agissait d’un geste journalistique. Le passage dans le Off a provoqué des réactions bien différentes. C’est l’effet « caisse résonance » d’Avignon. La pièce produite par le CDN de Normandie Rouen a été jouée au théâtre de la Loge à Paris en novembre 2015, sans provoquer autant de remous.
Des avocats de proches de victimes de Mohamed Merah ont envoyé un courrier à Yohan Manca – l’acteur qui incarne Merah et à l’auteur du texte Mohamed Kacimi. « Nous qui avons la responsabilité de porter la voix de ceux qui ont péri à Toulouse et Montauban et celle de leurs familles, nous considérons qu’une telle entreprise de réhabilitation dans le contexte que nous traversons sous couvert d’alibi culturel est une honte et un déshonneur » écrivent Mes Patrick Klugman, Ariel Goldman, Elie Korchia et Jacques Gauthier-Gaujoux. Le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) déclare dans un communiqué avoir reçu « un très grand nombre de protestations émanant de citoyens scandalisés et indignés ». C’est le cas aussi du théâtre de la Manufacture qui a du faire œuvre de pédagogie auprès des spectateurs. « C’est un beau spectacle, avec un texte pédagogique, que nous sommes fiers de défendre et qui pose bien la question des mécanismes de la radicalisation« , a réagi Pascal Keiser, directeur de La Manufacture qui programmait la pièce dans une interview à l’AFP. « Rien n’excusera jamais le meurtre d’un enfant de trois ans, et la pièce le dit clairement, mais ne pas traiter ces questions au théâtre, c’est faire la politique de l’autruche » a-t-il souligné.
L’acteur Yohan Manca qui incarne Merah a du faire face pendant ce début de festival à d’énormes pressions. « C’est très douloureux mais c’est du théâtre documentaire, politique. Il n’est jamais trop tôt pour parler de certains sujets, mais il est souvent trop tard. Le théâtre polémique depuis la nuit des temps. »
Mais alors que raconte la pièce ? C’est un échange direct entre un policier et un terroriste. Les deux comédiens se parlent à travers une cloison. Le policier, incarné par Charles Van de Vyver parle posément pour tenter de percer le mystère de ce tueur sanguinaire. C’est tout l’utilité de cette pièce qui donne des clefs pour comprendre l’enfermement psychologique dans lequel se réfugient les terroristes. On comprend le mécanisme de leur folie. Il n’y a aucune apologie en faveur du terrorisme et de l’antisémitisme. Au contraire ce dialogue pointe la fragilité de Merah, élevé dans la violence de la société actuelle, abreuvé de jeu vidéo – c’est un admirateur de Call of Duty – bercé par le flot continu des chaînes d’information qui sont largement critiquées dans la pièce. C’est un spectacle glaçant, qui à aucun moment ne laisse pointer la moindre empathie pour Merah.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie
Texte : Mohamed Kacimi
Mise en scène : Yohan Manca assisté de Julie Moulier
Interprétation : Yohan Manca et Charles Van de Vyver
Scénographie : Fanny Laplane
Lumières : Jimmy Boury
Production : CDN de Normandie Rouen
Coproduction : Compagnie Exil 65
Soutiens : Théâtre de la Loge – Paris
Ce texte est issu d’une commande d’écriture du Théâtre Nanterre-Amandiers, direction Jean-Louis MartinelliAvignon Off 2017
La Manufacture
du 6 au 11 juillet 2017 à 17h20
1h45 (trajet en navette compris)
19,5€/13,5€/8€ (patinoire)
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