Écrite au début des années 70, cette pièce est un débat/dialogue tour à tour comique, tragique, sarcastique et atroce. Pendant une longue nuit de réveillon deux hommes se font face autour d’une table et d’une bouteille. Un problème (un conflit) va surgir jusqu’à ce que la vérité de ces deux êtres éclate dans l’excitation et les vapeurs de l’alcool : rien, l’un sans l’autre et rien, l’un avec l’autre. Ensemble, ces deux égarés font un homme. Séparés, aucun n’est complet. Nous sentons que jamais l’intellectuel n’ira jusqu’à la lourde réalité du travail manuel et que jamais l’ouvrier n’accédera au monde de l’intelligence et de l’esprit.
Théâtre de l’absurde, théâtre bouffe, théâtre d’angoisse communicative, c’est un duel d’amour à la Dostoïevski où se déploie un espace scénique parfait. Ces deux émigrés, compagnons d’infortune et de misère, se querellent et se battent.
L’un dressera une hache (un couteau) vers son compagnon de misère, quand soudain du plafond surgira une musique de fête rappelant un réveillon. (Toute la pièce joue sur ce décalage entre les êtres qui coexistent sans jamais se rencontrer) En buvant et se déchirant, les deux hommes vont révéler leur vrai visage : l’intériorité de leur être, cette partie cachée qu’ils auraient probablement préféré ignorer.
Un prodigieux « voyage au bout de la nuit » duquel personne ne sort indemne. L’ouvrier déchire les billets de banque qu’il cache dans un chien en peluche. L’intellectuel détruit le plan et les ébauches du livre qu’il veut écrire sur l’homme idéal, l’homme libre. Ainsi, ils resteront deux frères ennemis rivés à la même chaîne, celle de l’émigration et du déracinement, d’un exil à perpétuité.
Cette pièce de théâtre résonne avec une acuité toute particulière dans le contexte social actuel. A ce titre elle mérite évidemment d’être vue par tous les « immigrés » de Paris. Mais également les émigrés que nous sommes, dans un monde où l’absurdité côtoie tout à la fois la férocité et le rire.
LES ÉMIGRÉS
L’Arche est agent théâtral du texte représenté. www.arche-editeur.com
De Sławomir Mrożek
Mise en scène Imer Kutllovci
Avec Mirza Halilovic et Grigori ManoukovTraduction Gabriel Meretizz | Assistant à la mise en scène Ridvan Mjaku | Lumière et son Philippe Sazerat Production compagnie de l’étoile et RBD Productions La Reine Blanche Avec le soutien de l’Institut Polonais de Paris.
Durée: durée 1h40Les Déchargeurs
MARDI 3 > SAMEDI 28 SEPTEMBRE 2019
du mardi au samedi à 19h
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