Michel Raskine est l’un des metteurs les plus importants de la scène française. Beaucoup de ses spectacles ont marqué l’histoire du théâtre depuis les années 70. On pense à Max Gerrick (qu’il reprendra…), au Lagarce à la Comédie Française, ou au fabuleux Rousseau avec Marief Guittier. On ne peut pas dire la même chose de son « Jeu de l’amour et du hasard ». Michel Raskine a souhaité aller au delà de l’œuvre de Marivaux pour l’inscrire dans une réalité contemporaine. «C’est une pièce sans gras, asséchée, le récit est d’une certaine brutalité. C’est aussi une pièce rapide, non rapide d’exécution, mais rapide dans l’issue », explique-t-il. Il est vrai que le travestissement des protagonistes arrive très tôt dans l’action, et que l’intrigue est posée dès le premier acte. Il a souhaité souligner la cruauté de la pièce, le côté voyeur d’Orgon (Guy Naigeon) qui observe par le trou de la lorgnette les personnages changer d’identité et révéler leur propre caractère. Le tout étant aiguillonné par Mario (Michel Raskine, lui-même) le frère de Silvia, sorte de fil rouge qui téléguide perfidement le stratagème.
Dans sa version du « Jeu de l’amour et du hasard », la théâtralité des situations incongrues est au cœur du dispositif. Les rencontres entre Julia et Dorante, puis entre Lisette et Arlequin sont jouées au centre de l’espace, sur un petit praticable. Du théâtre dans le théâtre. C’est effectivement une vision et un décryptage parfaits de la pièce de Marivaux. Mais Michel Raskine choisit de basculer dans une mise en scène parfois décalée par rapport à son univers. Il ajoute une petite dose de cabaret (il chante, il danse), il fige les personnages à la fin de la pièce en lançant un malheureux « on arrête ! ». Cela se veut provocant, mais cela ne colle pas à l’image de ce metteur en scène méticuleux. Son choix de naviguer entre modernité et classicisme n’est pas abouti. Soit il allait dans le théâtre trash et provoquant, soit il restait dans une analyse minutieuse et raisonnée de la pièce, mais l’équilibre entre les deux créé un malaise. Il reste que Marief Guittier en Sylvia est rayonnante. C’est une évidente jeune fille. Et l’on apprécie le cabotinage distancié de Stéphane Bernard en Arlequin. Son entrée en scène avec cette magnifique perruque est savoureuse.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux
Mise en scène Michel Raskine
Décor
Stéphanie Mathieu
Costumes
Josy Lopez
lumière
Julien Louisgrand
Avec
Stéphane Bernard Arlequin
Christine Brotons Lisette
Jean-Louis Delorme Un laquais
Christian Drillaud Dorante
Marief Guittier Silvia
Guy Naigeon Orgon
Michel Raskine Mario
production Théâtre du Point du Jour (Lyon), La Rose des vents (Villeneuve d’Asq), Le Bateau Feu (Dunkerque), Théâtre de Sartrouville – Le Granit (Belfort), Théâtre des deux Rives (Rouen), La comédie de Valence
12 janvier – 6 février 2011
Ateliers Berthier 17e – du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h (relâche le lundi)
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !