Imaginant un espace vide surplombé de sept caissons lumineux faisant référence au «plafond de verre»*, Héla Fattoumi et Eric Lamoureux affublent sept interprètes d’un arsenal de postiches capillaires et autres prothèses corporelles – que ne renieraient pas Cindy Sherman ou ORLAN – pour produire un paysage féminin d’une inquiétante homogénéité. Chorégraphiant les transformations et les délitements de cette construction charnelle idéalisée, ils font sourdre et déjouent les effets les plus pernicieux et aliénants des stéréotypes accolés aux femmes. Des odalisques du XIXème siècle synthétisées par le peintre Jean-Dominique Ingres dans son Bain turc en passant par les Mauresques posant, muettes et nues, pour les cartes postales coloniales jusqu’aux représentations les p lus contemporaines de la poupée sexuelle, c’est avec une certaine ironie qu’ils dévoilent une véritable fabrique à clichés. Par le biais de ces représentations, ils mettent à nu la dé-figuration de toute une frange de l’humanité par une autre et proposent, en réponse à cette mascarade de la fascination érotique du regard masculin, une horde de sept rebelles.
Relevant presque littéralement les coffres lumineux qui constituaient de véritables barrières symboliques, les sept belles jusqu’alors horizontalisées et lascives vont ainsi déployer une geste frondeuse et expressive.
Et à l’inverse, des compositions gestuelles combatives vont laisser place à des danses de bassins aux balancés aguicheurs. Elles font osciller le féminin et le masculin avec impétuosité pour tenter de s’éloigner de toute binarité.
Pour mettre du trouble dans le genre et dans l’utopie de faire disparaître ses diktats, puissent-elles être libres de jouer de tous les écarts possibles semblent nous dire Héla Fattoumi et Eric Lamoureux.
* Expression des sciences humaines utilisée pour évoquer la difficulté de certaines catégories de personnes telles que les femmes et les allochtones à accéder à des niveaux de pouvoir.
Masculines
chorégraphie HÉLA FATTOUMI / ÉRIC LAMOUREUX
interprètes MARINE CHESNAIS
LEA DODIK
SANDRINE KOLASSA
JOHANNA MANDONNET
CLÉMENTINE MAUBON
ALISSA SHIRAISHI
NELE SUISALU
création sonore ÉRIC LAMOUREUX
collaboration JEAN-NOËL FRANÇOISE
création lumières XAVIER LAZARINI
conception costumes ÉLISE MAGNE
collaboration artistique STÉPHANE PAUVRET
production
Centre Chorégraphique National de Caen/Basse-Normandie (CCNC/BN) Arsenal – Metz en Scènes, NorrlandsOperan (SE), Mâcon-Scène nationale, théâtre de Caen, Moussem.eu (BE) avec le soutien du Programme Culture de l’Union Européenne
Pour cette création, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont bénéficié de l’International Dance
Programme du Swedish Arts Grants Commitee. Nos remerciements à Dansstationen, Skänes Dansteater, Rorelsen et Danscentrum Syd de Malmö (SE).
LE CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE CAEN/BASSE-NORMANDIE EST SUBVENTIONNÉ PAR LE MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION – DRAC BASSE-NORMANDIE, LA VILLE DE CAEN, LE CONSEIL RÉGIONAL DE BASSE-NORMANDIE, LE CONSEIL GÉNÉRAL DU CALVADOS, LE CONSEIL GÉNÉRAL DE L’ORNE ET LE CONSEIL GÉNÉRAL DE LA MANCHE. IL REÇOIT L’AIDE DE L’INSTITUT FRANÇAIS POUR CERTAINES DE SES TOURNÉES À L’ÉTRANGER.
HÉLA FATTOUMI / ÉRIC LAMOUREUX CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE CAEN/BASSE-NORMANDIE
Tarmac du 13 au 16 janvier 2016
Le spectacle est saisissant et très réussi, du fait en particulier des sept danseuses qui sont admirables de talent, de beauté et d’énergie. Elles dansent tour à tour des femmes lascives, puissantes, hystériques, selon une chorégraphie tonique, ample et magnifique à regarder. Les costumes, qui laissent une grande place à la nudité qu’ils soulignent et enluminent, sont très beaux, de même que le décor, constitué surtout de grandes lampes suspendues plates et rectangulaires, propres à figurer différents univers.
En ce qui concerne la danse, j’ai donc été totalement séduite. Le propos par contre m’a laissée davantage perplexe. Je suis toujours gênée lorsqu’on évoque LA femme car je ne sais pas ce que ça veut dire. De même lorsque l’on oppose femme soumise et femme puissante et que l’on fait du désir un enjeux entre les sexes dont il faudrait se méfier. Cela me paraît un peu simpliste. En tout cas, ce n’est clairement pas en phase avec ce que je vis chaque jour.
Mais pour la beauté de la danse, je ne regrette pas du tout ma soirée.