« [Superstrat[ » tisse des liens entre danses traditionnelles africaines et hip-hop

Photo Patrick Berger

La chorégraphe Anne Nguyen dévoile un solo pour l’interprète ivoirien Mark-Wilfried Kouadio, qui déploie les connexions entre danses africaines et urbaines à travers une danse en mutation. 

Quels liens existent entre les danses traditionnelles africaines et les danses urbaines ? Anne Nguyen s’est lancée dans cette recherche dans sa dernière création [Superstrat[. Breakeuse de formation, elle œuvre depuis 2005 avec la Compagnie par Terre, grâce à une danse brute et virtuose, souvent attachée à la dimension politique du hip-hop. Dans Matières premières, elle mettait en lumière le dynamisme des danses urbaines africaines avec cinq interprètes. Elle continue d’explorer cette thématique avec l’un des interprètes de ce groupe, Mark-Wilfried Kouadio, danseur traditionnel ivoirien, pour montrer les liens de parenté entre danses traditionnelles et gestuelles hip-hop dans un spectacle tout public.

« Superstrat » est un terme de sociolinguistique qui désigne, grossièrement, « les traces laissées dans une langue par une autre langue », selon la définition donnée par la note d’intention de la pièce. Alors que l’on s’installe dans la salle, Mark-Wilfried Kouadio, en chemise rouge et pantalon à motif – où James Brown et Nina Simone côtoient des masques africains –, s’étire dans le fond de la scène. Il s’avance devant la salle, debout, et fait onduler son bassin avec vélocité, précision, sans beaucoup d’amplitude.

Orchestré comme une longue variation, [Superstrat[ nous fait traverser une myriade d’états corporels, d’énergies et d’imaginaires. Le danseur fait onduler sa colonne vertébrale avec fluidité, déploie ses bras avec soin, comme s’il possédait de grandes ailes, puis il fait pulser son torse ou agite les bras avec puissance face à lui. Parfois, l’ambiance devient festive, lorsqu’il arbore des petits pas, la tête penchée vers l’avant, comme s’il se délectait de la musique, ou sportive lorsqu’il esquisse des mouvements de break, ondulant comme un ver de terre sur le sol. Porté par la bande sonore, tantôt lancinante, tantôt entraînante de Pierre Demange et Grégoire Letouvet, qui fait pulser piano, percussions et sonorités électro, on découvre les similitudes entre les danses traditionnelles africaines et les styles hip-hop des dernières décennies : break, popping, locking, krump ou hip-hop new style. Seraient-elles des danses superstrat ?

Le corps de Mark-Wilfried Kouadio se déploie face à nous comme une cartographie mouvante. Elle trace des lignes et des courbes faisant des liens, des ponts, entre ces danses, qui, chacune à leur manière, et dans leurs contextes, sont porteuses d’une identité singulière et cimentent une communauté. Une nouvelle preuve que l’histoire de la danse se constitue à travers les tournées, les voyages, les correspondances, les cassettes envoyées à l’autre bout du monde, les vidéos qui circulent sur Internet, mais aussi à travers la colonisation, la migration ou l’exil. C’est toute la complexité de la fabrique des gestes qui habite ce solo.

Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr

[Superstrat[
Chorégraphie Anne Nguyen
Avec Mark-Wilfried Kouadio alias « Willy Kazzama »
Musique originale Pierre Demange, Grégoire Letouvet
Costume Ludivine Maillard
Création lumière Nicolas Flamant

Production Compagnie par Terre / Anne Nguyen.
Coproductions La Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux / La Rochelle ; Opéra de Massy ; Espace 1789 de Saint-Ouen, Scène conventionnée pour la danse
Avec le soutien de Théâtre des 2 Rives de Charenton-le-Pont ; Centre Chorégraphique National d’Aquitaine en Pyrénées-Atlantiques – Malandain Ballet Biarritz (accueil studio); Théâtre de Choisy-le-Roi – Scène Conventionnée d’intérêt national art et création pour la diversité linguistique ; Ville de Thourotte.

La Compagnie par Terre reçoit l’aide pluriannuelle du ministère de la Culture / DRAC Ile-de-France, l’aide de la Région Ile-de-France au titre de la Permanence Artistique et Culturelle, ainsi que l’aide au fonctionnement du Département du Val-de-Marne. En 2024/2025, elle est associée à La Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux / La Rochelle, dans le cadre du dispositif soutenu par le ministère de la Culture, et au Théâtre des 2 Rives de Charenton-le-Pont, ainsi qu’en résidence à l’Opéra de Massy.

Durée : 50 minutes
À partir de 5 ans

Vu en janvier 2025 au Théâtre des 2 Rives, Charenton-le-Pont

Pôle Culturel Evasion, Ambarès-et-Lagrave, dans le cadre du Festival POUCE !
le 14 février  

La Manufacture CDCN Nouvelle-Aquitaine, La Rochelle
le 11er mars 

Théâtre de Bligny, dans le cadre de la programmation de l’Opéra de Massy et du festival Essonne Danse
le 18 mars

Espace 1789, Saint-Ouen
les 10 et 11 avril 

Salle des fêtes d’Issac, dans le cadre du Festival SPRING
le 23 avril

Salle des fêtes de Nontron, dans le cadre du Festival SPRING
le 26 avril