Performance musicale et dansée, Là, se délasse Lilith… rêve la libération d’un corps féminin qui ne serait pas passé par Eve. Un spectacle qui défie les représentations.
La jeune femme est nue sur scène, à l’exception de baskets bleues et de genouillères. Un long lacet de cuir, également, enserre sa cuisse gauche en boucles savamment nouées. Le surface couleur crème du sol est simplement traversée, fendue en son milieu, d’un long trait de poudre noire pailletée d’or. Il évoque celui qui couvre le sexe de Chloé Favriau. C’est elle qui danse en alternance avec Marinette Dozeville, conceptrice de Là, se délasse Lilith…
Sous-titrée Manifestation d’un corps libertaire, cette performance musicale et dansée s’articule autour de la figure méconnue de la première des femmes. Lilith, figure oubliée parce que remplacée dans l’imaginaire commun par sa successeuse Eve, bien plus adaptée à la représentation de la femme que voulait édifier un monde patriarcal. Lilith, elle, n’est pas née de la côte d’Adam et prend dans divers textes mythologiques des aspects menaçant la toute puissance de l’homme, notamment par une sexualité débridée. Bien plus libre qu’Eve, bien moins soumise, la figure de Lilith a été reprise comme étendard par quelques mouvements féministes, et c’est au titre d’un « féminisme pro sexe » que Marinette Dozeville a décidé de s’en emparer.
Entre les omoplates de Chloé Favriau, « Lilith » est ainsi inscrit en lettres capitales. Sous les yeux, la danseuse porte comme de discrètes peintures de guerre. Un peu amazone, un peu séductrice, elle fera miroiter toute une gamme de postures sans jamais s’arrêter à l’une d’elles. Suspendue à un anneau, Lilith se délace tout d’abord, lentement, puis dansera à terre avant de se relever. La chorégraphie construit un long crescendo rythmé par la magnifique musique qu’Uriel Barthélémi produit en direct.
Mêlant percussions et électro, le musicien installe tout d’abord une atmosphère de création du monde, crissements et coups de tonnerre. Chloé Favriau lentement se défait de ses liens façon shibari, s’extirpe de l’anneau qui l’immobilise, l’esclavagise, sort du sommeil, prend vie et vient au monde, touche terre. A plat ventre, elle esquisse quelques ondulations suggestives, crapaud, araignée, circule, prend la pose parfois, menton posé sur le dos de la main, poignet cassé, yeux qui défient le public. Se redresse. Se relève. Station debout. Sa danse de plus en plus se désentrave, se libère, tournoie, devient joyeuse jusqu’à la transe. La poudre noire colle à sa peau maintenant pailletée d’or. Née de la terre, de l’argile où elle est trouve son origine, fierté et libération festive du corps que produit la danse.
C’est l’histoire d’une émancipation que trace cette chorégraphie. Celle du corps de la femme mais aussi du regard que l’on peut poser dessus. A la fin, dans une étrange contorsion, le buste s’efface sous les cuisses, qui s’ouvrant en triangle, écartent les lèvres du sexe. Béance originelle du monde entraperçue. C’est la première des femmes. Un spectacle beau et touchant.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Là, se délasse Lilith… Manifestation d’un corps libertaire
Chorégraphie Marinette Dozeville
Avec, en alternance, Marinette Dozeville et Chloé Favriau
Création musicale et interprétation Uriel Barthelemi
Formateur Shibari Cyril Grillon
DramaturgieStéphanie Auberville
Collaborations artistiques Benjamin Duval et Frédéric Xavier Liver
Scénographie Barbara Kraft
Création lumière Marine MolardProduction Yapluka / Cie Marinette Dozeville
Coproduction Le Nouveau Relax – Scène conventionnée de Chaumont, La Place des Cordes – Paris Soutien Studio L’Envers / Cie Mossoux-Bonté, Le Quai – Bruxelles, Festival Jerk Off – Paris, Le Manège – Scène nationale de Reims, Théâtre Louis Jouvet – Scène conventionnée des Ardennes, Le Laboratoire chorégraphique – Reims, La SpedidamLa Compagnie Marinette Dozeville est conventionnée pour trois ans par la Région Grand Est et soutenue à la structuration pour deux ans par la Drac Grand Est – Ministère de la Culture. Elle reçoit le soutien du Conseil Départemental de la Marne, de la Ville de Reims, du Laboratoire chorégraphique de Reims.
Durée : 1 heure
Festival Off d’Avignon 2021
La Caserne
du 7 au 26 juillet à 22h30 (relâche les 13 et 20 juillet)
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