Gérard Desarthe, l’une des figures vivantes du Théâtre Français est retour. Il n’était plus monté sur scène depuis 2007 avec « Le Roi lear ». C’est donc un véritable évènement pour ce comédien qui a joué sous la direction des plus grands metteurs en scène: Chéreau, Bondy, Engel, Planchon, Sthreler, et qui a interprété les plus grands rôles du répertoire. C’est un monstre sacré qui refait surface dans cet « Harper Regan » de l’anglais Simon Stephens dans lequel il interprète trois rôles différents.
Simon Stephens est un auteur très en prise avec son époque. Il écrit sur le quotidien. C’est une sorte de « fait diversier » du théâtre. Les titres de ses pièces sonnent souvent comme des titres chocs de tabloïds anglais: « Punk Rock », « Sea wall » ou encore « Pornography » – qu’il a écrit après les attentats dans le métro de Londres de 2005 (dont une mise en scène a été présentée cette saison à la Colline par Laurent Gutmann). Dans « Harper Regan » on suit le destin d’une femme de quarante ans dont le mari a perdu son boulot et qui doit assurer seule la vie du ménage. Marina Foïs trouve ici l’emploi parfait. Comme dans « Maison de Poupée » l’année dernière, sous la direction de Jean-Louis Martinelli, elle reste dans le registre de la femme tiraillée entre sa vie de famille et son désir d’assouvir ses désirs. Comme la Nora d’Ibsen, Harper est une femme enfant, qui n’a pas encore fait le deuil de sa jeunesse ; son envie de profiter de la vie est intacte et intense. C’est aussi l’histoire de la crise de la quarantaine.
Simon Stephens explore des thèmes cruciaux de ce début de 21ème siècle. L’univers du multimédia, l’anxiété qu’il génère et les nouveaux désirs qu’il crée sont au centre de la pièce. Le patron d’Harper, Barnes (Gérard Desarthe) pose la problématique dès le début de la pièce : « L’homme est le seul animal à avoir inventé internet ». Et il s’est ainsi créé de nouveaux besoins avec une facilité déconcertante. Harper utilise le net pour rencontrer un homme dans un hôtel, son mari Eric (Louis-Do de Lencquesaing), pédophile présumé, surfe sur la toile pour chercher des images d’enfants. Dans cette vie qui s’accélère, Harper n’a même pas le droit de s’absenter pour se rendre au chevet de son père mourant. Le monde du travail est sans pitié, son patron lui refuse un congé, elle est contrainte de s’enfuir, et ainsi prendre le risque de perdre son job. Simon Stephens est sans concession avec la société anglaise.
Le metteur en scène allemand, Lukas Hemleb, a conçu un dispositif scénique efficace : un espace carré pivote et évolue selon les scènes et les rencontres d’Harper (magnifique décor conçu par les ateliers de la Maison de la Culture de Bourges). Une mise en espace sonore métallique vient soutenir l’action et plonge la pièce dans un niveau de tension extrême.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Harper Regan de Simon Stephens
traduction Dominique Hollier
mise en scène Lukas Hemleb
avec Marina Foïs Harper Regan
Gérard Desarthe Elwood Barnes, James Fortune, Duncan Woolley
Caroline Chaniolleau Justine Ross, Alison Woolley
Louis-Do de Lencquesaing Seth Regan, Mickey Nestor
Alice de Lencquesaing Sarah Regan
Pierre Moure Tobias Rich, Mahesh Aslam
assistante à la mise en scène Charlotte Lagrange
décor Csaba Antal
costumes Gerhard Gollnhofer
production Maison de la Culture d’Amiens / centre de création et de production,
coproduction Théâtre du Rond-Point / Le Rond-Point des tournées, Maison de la Culture
de Bourges, Théâtre des Treize Vents-Montpellier, avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
L’auteur est représenté dans les pays de langue française par l’Agence MCR, Marie Cécile Renauld, Paris, en accord avec Casarotto Ramsay, Ltd
Durée: 2h10
du 11 au 14 janvier 2011 – Création à la Maison de la Culture d’Amiens
19 janvier – 19 février au Théâtre du Rond-Point – Paris, 21h, dimanche 15h – relâche les lundis et le 23 janvier
du 22 au 26 février 2011 Théâtre des Treize Vents Montpellier
le 1er mars 2011 L’Avant-Seine, Colombes
8 et 9 mars 2011 La Comète, Châlons-en Champagne
le 11 mars 2011 Le Phénix, Valenciennes
14 et 15 mars 2011 Maison de la Culture de Bourges
17 et 18 mars 2011 Le Festin, Montluçon
29 et 30 mars 2011 Le Volcan, Le Havre
c’est sans compter la pièce mise en scène par Daniel Colas en 2007-2008 « Les chaussettes opus 124 » où Gérard Desarthe partageait l’affiche avec Michel Galabru.
La pièce n’est pas inoubliable, certes mais il est toujours bon de la mentionner. Elle a quand même été diffusée sur France 2 un vendredi soir…